Décret tertiaire: sortie imminente de la dernière saison #decrettertiaire

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Le décret relatif aux obligations d’actions de réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire va vivre un nouvel épisode dans ce qui est devenue une sorte de saga.

Saison 1: une jeunesse contrariée

Les bâtiments du secteur tertiaire public et privé (bureaux, commerces, bâtiments éducatifs et autres bâtiments tertiaires) représentent près de 850 millions de mètres carrés et se caractérisent par le niveau élevé de leur consommation énergétique.

Avec un quart des surfaces bâties, le secteur tertiaire représente un tiers des consommations énergétiques du pays. Très logiquement, les lois Grenelle ont fixé un cap de baisse des consommations de ce parc immobilier professionnel.

Les lois Grenelle de 2009 et 2010

C’est en conséquence de cette situation que l’article 3 de la loi du 2 juillet 2010 a prévu que :

« Des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de 8 ans à compter du 1er janvier 2012. Un décret en Conseil d’État détermine la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notamment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter en tenant compte de l’état initial et de la destination du bâtiment, de contraintes techniques exceptionnelles, de l’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine historique ».

La préfiguration du décret

L’État a aussitôt engagé une large concertation en vue de préparer le futur décret : par lettre de mission du 22 septembre 2010, le Directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a chargé Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, de lancer cette consultation et de déterminer les grands équilibres qui pourraient caractériser le processus de rénovation énergétique du parc tertiaire.

Par lettre de mission du 21 décembre 2010, Philippe Pelletier a alors chargé Maurice Gauchot, président de CBRE France, de rassembler l’ensemble des acteurs du parc tertiaire public et privé afin de présenter des recommandations de nature à contribuer à la rédaction du décret d’application déterminant la nature et les modalités de cette obligation. Au terme de cette large consultation, le rapport du groupe de travail a élaboré un certain nombre de recommandations de méthode et d’objectifs : il a été salué par l’ensemble des acteurs de l’immobilier tertiaire et a exprimé un large consensus même si les collectivités locales ont exprimé de fortes réserves au plan du financement.

La charte volontaire pour l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires publics et privés du Plan Bâtiment Durable

Désireux de porter les propositions du groupe de travail, le Plan Bâtiment Durable a choisi de lancer, en octobre 2013, une Charte volontaire en vue de :

  • Anticiper la mise en application de l’obligation future de travaux d’amélioration de la performance énergétique annoncée dans l’article 3 de la loi du 12 juillet 2010;
  • Susciter un mouvement d’ensemble en faveur de l’efficacité énergétique, du bien-être des utilisateurs et de l’activité économique de la filière. Conscients de l’impératif climatique et environnemental, les signataires s’engagent de manière citoyenne et volontaire en faveur de l’efficacité énergétique: en mettant en avant les bonnes pratiques et les expériences réussies, les signataires souhaitent provoquer un mouvement d’entrainement et une prise de conscience par l’ensemble des acteurs du parc tertiaire.

Voir le 4ème rapport de suivi de la Charte pour l’efficacité énergétique et environnementale des bâtiments tertiaires publics et privés -> ICI

La loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015

La LTECV a complété le dispositif des lois Grenelle en fixant des périodes de 10 ans, de 2020 à 2050, pour scander en objectifs intermédiaires, l’objectif final de baisse de 60% au moins des consommations énergétiques exprimées en énergie finale.

Le décret du 9 mai 2017

Publié in extremis au JO du 10 mai, le décret du 9 mai 2017 met en application une obligation de réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier tertiaire, avant le 1er janvier 2020.

Saison 2: premières embuches

Suspension

Ce décret a été immédiatement soumis au Conseil d’État par le Conseil du commerce de France, l’association Perifem et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie.

Par une première ordonnance du 28 juin 2017, le juge des référé a suspendu l’exécution du décret tertiaire en tant qu’il comporte, à l’article R. 131-46 du code de la construction et de l’habitation, les mots « avant le 1er juillet 2017 ». En d’autres termes, la date butoir -que personne n’avait d’ailleurs pensé tenable, administration comprise!- ne s’imposait plus.

Par une seconde ordonnance, rendue le 11 juillet 2017, le juge des référés a suspendu l’intégralité du décret en se fondant sur les motifs suivants:

  • le délai de 5 ans prévu par la loi entre l’édiction du niveau de baisse des consommations énergétiques et la date butoir de respect de cette obligation n’a pas été respecté et porte atteinte au principe de sécurité juridique;
  • le champ d’application du décret, qui ne couvrait pas tous les bâtiments du secteur tertiaire (au double point de vue d’une part de la surface puisque seuls les bâtiments de plus de 2.000 m2 étaient concernés et, d’autre part, de leur utilisation puisque les bâtiments de santé par exemple n’étaient pas couverts par le décret) introduit une distinction illégale entre différentes sortes d’immeubles tertiaires alors que la loi ne le faisait pas;
  • enfin, de façon un peu contradictoire au regard de l’approche égalitariste précédente, le juge reproche au décret de ne pas avoir fixé des objectifs de baisse des consommations par type de destination.

Annulation

Statuant cette fois au fond, le Conseil d’État a annulé le décret (CE 18 juin 2018 n° 411583) au motif qu’il porte une atteinte au principe de sécurité juridique.

Les juges du Palais Royal considèrent en effet que les obligations fixées par le décret (objectifs de réduction des consommations énergétiques fixés à l’article R131-39 du CCH) supposent :

– d’abord la conduite préalable d’une étude énergétique et d’un plan d’actions et,

– ensuite, la réalisation des travaux eux-même,

ne peuvent être achevés avant la date butoir d’atteinte des objectifs des économies d’énergie au 1er janvier 2020.

« Le décret attaqué méconnaît le principe de sécurité juridique ; qu’au regard du vice dont le décret est entaché, qui affecte, compte tenu de l’objectif de réduction de la consommation énergétique d’ici au 1er janvier 2020 fixé par le législateur et des particularités du dispositif mis en place, son économie générale et son séquençage temporel, il y a lieu d’annuler le décret dans sa totalité ».

L’élan de la résurrection

La saison s’est alors achevée sur la perspective d’une résurrection puisque l’article 55 du projet de loi dit ELAN, en cours de discussion au Parlement vise à donner au futur (nouveau) décret tertiaire le socle juridique qui lui avait fait défaut.

Saison 3: nouvelle jeunesse

Concertation préalable

L’article 175 de la loi n°2108-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement et de l’aménagement et du numérique (ELAN) a modifié les dispositions de l’article L.111-10-3 du code de la construction et de l’habitation relatif aux obligations de réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire.

Dès la publication de la loi ELAN, une large concertation portant sur le contenu technique du décret a été entreprise d’octobre 2018 à mars 2019 avec l’ensemble des acteurs économique du secteur tertiaire, et ce dans le cadre de dix groupes de travail thématiques répartis par typologie d’activité et de deux groupes de travail transversaux traitant d’une part des indicateurs économiques et d’autre part du contenu du guide d’accompagnement du futur décret.

Par ailleurs, les parties prenantes ayant participé aux travaux de concertation ont été invitées à faire remonter leurs attentes et leurs observations pour le 15 février 2019.

Ainsi, le projet de texte présenté prend en considération un grand nombre des observations formulées par les acteurs afin de le rendre pleinement opérationnel. Il est prévu de présenter cette ultime version lors d’une réunion de restitution de la concertation le 18 avril 2019.

Le nouveau décret tertiaire

Il est là, ouvert à la discussion publique: le nouveau décret tertiaire.

Ce projet doit être transmis de façon imminente au Conseil d’État puis être publié.

L’analyse de son contenu est à suivre dans un prochain épisode diffusé sur www.lexcity.fr

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