Première application par le Conseil d’État de l’obligation de prévoir un montant maximum pour les accords-cadres

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Conseil d’État, 28 janvier 2022, n°456418

Faits

Une communauté de communes a lancé un appel d’offres prenant la forme d’un accord-cadre, décomposé en deux lots, et portant sur « la collecte en porte-en-porte et en apport volontaire, tri et valorisation des déchets ». Ce marché a fait l’objet d’une publication nationale et européenne en mai 2021.

Le 16 juillet 2021, la communauté de communes a informé une société candidate du rejet de son offre, classée deuxième, pour le lot n°1, et de l’attribution de l’accord-cadre à une autre société.

Cette société, évincée, a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d’un référé précontractuel en vue d’obtenir notamment l’annulation des décisions relatives à la procédure de passation de ce lot.

Par une ordonnance du 23 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la procédure d’attribution du lot n°1. La communauté de communes s’est alors pourvue en cassation contre l’ordonnance du 23 août 2021.

question de droit

L’obligation de fixer le montant maximum des accords-cadres ne s’applique-t-elle qu’aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2022 conformément au décret du 23 août 2021 ?

décision

Le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par la Communauté de Communes.
Revenant, dans un premier temps, sur les conditions d’application du référé précontractuel fixées par la jurisprudence SMIRGEOMES, le Conseil d’État considère que, conformément à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) Simonsen Weel A/S c/Région Nordjylland og Région Syddanmark du 17 juin 2021, ayant entrainé la modification de l’article R.2162-4 du CCP, les contrats conclus sous la forme d’un accord-cadre doivent comprendre le montant maximal du marché prévu par le pouvoir adjudicateur.

Cette jurisprudence a été transposée en droit national par le décret n°2021-1111 du 23 août 2021 qui diffère l’application de cette obligation aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022.

A ce titre, le juge vient ainsi distinguer deux hypothèses :

– D’une part, le cas des accords-cadres dont la valeur est supérieure au seuil de procédure formalisée, soumis à l’application de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, et qui sont ainsi contraints, depuis l’arrêt de la CJUE du 17 juin 2021, à l’obligation de fixer un montant maximum ;

– D’autre part, les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, dont la valeur est inférieure au seuil de procédure formalisée, et pour lesquels le décret du 23 août 2021 a différé l’application de cette obligation au 1er janvier 2022.

Le juge administratif précise donc en l’espèce que l’absence de fixation de la valeur maximale du marché n’a pas permis à la société évincée de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre. La personne publique a alors bien manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, ouvrant, au candidat évincé, la possibilité de demander l’annulation de la procédure de passation litigieuse.

commentaire

Le Conseil d’État a ainsi eu pour la première fois à se prononcer sur les conséquences de l’arrêt Simonsen & Weel A/S en matière de référé précontractuel et plus spécifiquement dans l’hypothèse où le recours visait une procédure de passation pour laquelle un avis d’appel public à la concurrence avait été publié au BOAMP en mai 2021, soit avant la décision de la CJUE et l’entrée en vigueur du décret du 23 août 2021.

En effet, depuis l’arrêt Simonsen de la CJUE, et du décret du 23 août 2021, une confirmation jurisprudentielle était attendue, notamment s’agissant du point de départ de cette obligation.

Le juge administratif met donc fin aux incertitudes encadrant les modalités d’application et de mise en œuvre d’une telle obligation.

Le Conseil d’État eu l’occasion de se prononcer une nouvelle fois sur cette question le 3 février 2022 (CE, 3 février 2022, Société Fore Iles du Nord, n°457233) en appliquant de la même manière la jurisprudence européenne et nationale sur ce point.

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