Champ d’application du permis de construire valant changement de destination

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CAA Paris, 20 mai 2021, n°19PA00986

FAITS

Une société avait déposé auprès des services de la mairie de Paris un dossier de déclaration préalable en vue de transformer un commerce de boucherie en supérette et d’opérer une modification des façades. Le maire de Paris s’est alors opposé à l’exécution de ces travaux au motif qu’un tel changement de destination était proscrit au regard du plan local d’urbanisme de Paris, lequel renvoyait aux anciennes destinations de l’article R.123-9 du code de l’urbanisme, qui distinguait les destinations d’activités de commerce et d’artisanat.

QUESTION

Les dispositions transitoires prévues par l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 n°2015-1783 prévoyant le maintien de l’applicabilité des articles R.123-1 à R.123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 ne concernent-elles que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme ?

DÉCISION

L’article R.421-14 du code de l’urbanisme prévoit le champ d’application du permis de construire lors d’un changement de destination : « Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : (…) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R.151-27 et R.151-28 ».

L’article R.151-27 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article R. 421-14 précité dispose que « Les destinations de constructions sont : (…) 3° Commerce et activités de service » et l’article R.151-28 que « Les destinations de constructions prévues à l’article R.151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (…) 3° Pour la destination « commerce et activités de service » : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ».

L’annexe au décret n°98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers classe, quant à lui, dans la liste des activités relevant de l’artisanat la transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de viande et le commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé.

Ainsi, au regard de l’article R.151-27 du code de l’urbanisme, les travaux de transformation d’une boucherie en supérette ne constituaient plus un changement de destination, les deux activités étant incluses dans la destination « commerce et activités de service », contrairement à ce qu’il en était dans l’état du droit antérieur au 1er janvier 2016.

Or, et tel est l’apport fondamental de cet arrêt, les dispositions transitoires prévues au décret du 28 décembre 2015 ne concernent que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2016, et non le maintien en vigueur des dispositions de l’article R.421-14 relatives au champ d’application des autorisations d’urbanisme.

Ainsi, la ville de Paris, dont le plan local d’urbanisme avait été adopté en juillet 2016, ne pouvait se fonder, nonobstant la circonstance que ce plan avait été mis en révision avant le 1er janvier 2016, sur les dispositions de l’article R.421-14 dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, lesquelles renvoyaient à l’article R.123-9 du code de l’urbanisme qui distinguait les activités de commerce de celles d’artisanat. En conséquence, le maire de Paris ne pouvait légalement s’opposer à la déclaration préalable au motif que les travaux projetés nécessitaient un permis de construire, la transformation d’un commerce en artisanat ne constituant plus un changement de destination au sens de l’article R.421-14 du code de l’urbanisme.

COMMENTAIRE

Cette décision de la cour administrative d’appel de Paris établit que le champ d’application du permis de construire ne se fonde que sur les destinations en vigueur prévues à l’articles R.151-27 du code de l’urbanisme et semble mettre fin à une pratique établie.

Les plans locaux d’urbanisme se référant encore aux anciennes destinations de l’ancien article R.123-9 du code de l’urbanisme restent ainsi applicables mais ne peuvent déterminer si la transformation d’un local ou d’un immeuble nécessite ou non une autorisation d’urbanisme.

Une telle décision pose la question de son applicabilité par les services instructeurs des communes dont le PLU se réfèrerait encore à l’article         R.123-9 du code de l’urbanisme. Ils ne seraient en effet plus en mesure de contrôler le changement de destination de certains projets, comme en l’espèce, alors même que leur PLU interdirait ou contraindrait un tel changement de destination.

Le maintien de la rubrique 5.5. du formulaire CERFA du permis de construire se pose également, puisqu’elle fait expressément référence aux anciennes destinations de l’ancien article R.123-9 du code de l’urbanisme, destinations qui ne déterminent plus la nécessité ou non de solliciter une autorisation d’urbanisme. Il convient enfin de noter que le tribunal administratif de Melun a adopté une solution similaire dans une arrêt concernant la transformation d’un local commercial en centre médical et dentaire (TA de Melun, 18 mai 2020, n°1706867).

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