La règlementation du changement d’usage des locations dites «Airbnb» à Paris est conforme au droit européen

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Cour de cassation, 3ème chambre civile, 18 février 2021, n°17-26156

FAITS

Une société civile immobilière, propriétaire d’un studio situé à Paris, s’est vu assignée par le procureur de la République afin de la voir condamner au paiement d’une amende pour avoir consenti des locations « de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile  », sans avoir sollicité l’autorisation de changement d’usage autre que celui d’habitation prévue par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation.

La SCI, à l’occasion de son pourvoi en cassation, a soulevé la non-conformité des articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE dite « directive services » du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

Par un arrêt du 15 novembre 2018, la Cour de cassation a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et a sursis à statuer dans l’attente de sa décision. Par un arrêt du 22 septembre 2020 (C-724/18 et C-727/18), la CJUE s’est prononcée sur les questions posées.

QUESTION

La soumission à une autorisation préalable de changement d’usage, subordonnée à compensation, de la location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est-elle conforme aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ?

DÉCISION

En premier lieu, il est rappelé que l’article L.631-7, alinéa 6, du code de la construction et de l’habitation, qui soumet à autorisation préalable le fait, dans certaines communes, de louer un local meublé destiné à l’habitation d’une manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

En second lieu, hormis certaines exceptions, le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 constitue bien un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable.

Enfin, s’agissant de l’exigence de proportionnalité des conditions d’octroi de l’autorisation de changement d’usage à l’objectif poursuivi, la Cour de cassation énonce notamment que la réglementation locale de la Ville de Paris, en ce qu’elle instaure une obligation de compensation, voire de « double compensation » dans les secteurs dits de « compensation renforcée » ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif recherché. Cette obligation répond effectivement à une pénurie de logements, la demande de logements destinés à l’habitation à des conditions économiques acceptables peinant, dans l’ensemble de cette commune, à y être satisfaite.

commentaire

La SCI soutenait notamment que les articles précités portaient atteinte à la libre prestation de services et que l’objectif poursuivi par ces dispositions pouvait être réalisé par une mesure moins contraignante.

Or, la Cour de cassation a bien jugé que les articles L.631-7, alinéa 6, et L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation étaient conformes à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le mécanisme posé par la lecture combinée des articles L. 631-7 alinéa 6 et L. 631-7-1, qui soumet à autorisation préalable soumis à compensation les locations de type « Airbnb » est ainsi validé et entériné. La Ville de Paris sort ainsi confortée dans son choix de réglementer ce type de locations et de plateformes.

La Cour de cassation ne remet donc pas en cause les dispositions spécifiques prises par le règlement municipal de la Ville de Paris adopté en décembre 2018, relatives à l’obligation de compensation, voire de « double compensation » dans les secteurs renforcés, où la pénurie de logement apparait comme la plus accrue.

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