Refus de passage en classe supérieure pour le PPP des Écoles de la Ville de Marseille

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C’est par un arrêt en date du 27 décembre dernier que la Cour administrative d’appel de Marseille a eu l’occasion de se prononcer sur le sort du PPP mettant en œuvre le « plan école d’avenir ».

Ce plan, élaboré par la Ville de Marseille, a pour objet la démolition de 31 établissements scolaires et la reconstruction de 28 d’entre eux ainsi que la construction de 6 nouveaux établissements, la réalisation d’un gymnase et d’un plateau d’évolution pour chacun des établissements créés et la réalisation de prestations d’entretien et de maintenance des locaux ainsi édifiés.

Contexte

La délibération de principe

Pour ce faire, le conseil municipal de la ville avait approuvé le principe du recours à un accord-cadre de marché de partenariat et à des marchés de partenariat subséquents par une délibération prise le 16 octobre 2017, laquelle avait fait l’objet de multiples recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Marseille.

La décision du tribunal administratif

Pour mémoire, alors que FinInfra avait admis le recours à ce type de marché, c’est au terme d’une démonstration rigoureuse que les premiers juges avaient estimé que la délibération litigieuse était entachée d’illégalité, faute pour l’acheteur d’avoir su procéder à une évaluation préalable diligemment circonstanciée, propre à la démonstration de la réunion des conditions de recours au marché de partenariat.

Le rejet de la demande de sursis à exécution du jugement

Sonnant comme l’annonce d’une issue peu favorable quant au choix opéré par la ville, la Cour administrative de Marseille avait rejeté le 30 septembre dernier la demande de cette dernière tenant au sursis à l’exécution du jugement rendu par le juge de première instance.

Par suite et sans surprise, les mêmes juges ont une fois de plus rejeté la requête de la ville de Marseille.

La délibération de principe est susceptible de recours pour excès de pouvoir

Après s’être prononcé sur la recevabilité des demandes, le juge d’appel a confirmé la position adoptée par le premier juge en termes de recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre une délibération se prononçant sur le principe du recours au marché de partenariat.

En effet, au regard de la jurisprudence « Département de Tarn et Garonne », laquelle a fermé la voie du REP contre les actes dits détachables du contrat, se posait la question de savoir si la délibération prise par le conseil municipal de Marseille pouvait valablement faire l’objet du présent recours.

A cette interrogation, le juge a répondu par l’affirmative en énonçant en substance qu’une telle délibération « n’avait pas le caractère d’une simple mesure préparatoire à la conclusion du contrat ». Il s’agit donc d’un acte autonome au nombre de ceux pouvant être contestés à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir.

L’insuffisante transparence des l’évaluation préalable sur la valorisation des risques

L’argumentation de la Cour reprend la structure de l’évaluation préalable et se prononce notamment sur l’analyse comparative des différentes options de montages contractuels et institutionnels, la présentation des risques du projet, des risques financiers et leur répartition entre l’acheteur et le titulaire.

A cet égard et de manière étayée, après avoir rappelé que l’évaluation préalable élaborée par la ville de Marseille reposait sur une comparaison entre le marché de partenariat et la maîtrise d’ouvrage publique, la Cour cette fois-ci fourni une analyse centrée essentiellement sur l’appréhension des risques par l’acheteur.

La matrice des risques ne peut rester générique

Même si l’organisme expert Fin Infra met à disposition des acheteurs une matrice des risques qui semble pour le moins exhaustive à tout point de vue, les acheteurs ne peuvent valablement se borner à « à dépeindre des risques inhérents à tout projet de construction en s’appropriant certains de ceux qui se rencontrent classiquement dans les opérations de construction de bâtiments ».

Ils doivent au contraire s’attacher à circonstancier la description de ces risques au moyen d’illustrations et d’explications propres au projet objet de la délibération.

Selon le juge, cette rigueur permet de déterminer la probabilité d’occurrence desdits risques et d’en déduire « l’importance pour la construction et l’exploitation des établissements ».

Ce faisant, la Cour fait peser un niveau peut être excessif d’exigence sur l’évaluation préalable: une valorisation si fine de chacun des risques du projet, appliquée à chacun des bâtiments, suppose de rentrer dans un détail d’étude en matière d’abord de diagnostics (risques de sous-sol, risque de pollution, …) puis de valorisation documentée des surcoûts générés par ces risques, qui peut apparaitre peu cohérente avec l’idée même d’un transfert de la maîtrise d’ouvrage.

De plus, une telle exigence suppose une capacité et un investissement de maîtrise d’ouvrage publique tellement approfondie que l’on peut se demander si elle n’est pas antinomique avec le principe même d’un PPP (cf. l’ancien critère de l’incapacité objective de conduire le projet en MOP, contredit frontalement par cette exigence).

En réalité, cette exigence revient à faire de l’évaluation préalable un outil prédictif des coûts réels du projet dans chacun des modes contractuels envisageables, ce qui n’a jamais été dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance de 2004 ni de leur successeurs.

La méthode de Monte Carlo ne suffit pas

Lorsqu’il est fait usage du modèle dit de « Monte-Carlo » (qui consiste en une approche statistique basée sur un tirage de 10 000 occurrences aléatoires de risque, destinée à permettre aux acheteurs de procéder à une valorisation des risques envisagés), des précisions tenant à la nature des algorithmes utilisés ainsi que des explications « susceptibles d’illustrer de manière concrète et non agrégée les chiffres globaux » doivent être fournis à l’assemblée délibérante afin que chaque membre de cette dernière puisse appréhender de façon critique ou intuitive, les données sur lesquelles il est amené à se prononcer.

Là encore, cette méthode, passe pour la plus sérieuse et a plus aboutie et il est sévère de demander à une évaluation préalable de repredre cette méthode, comprise par tous les acteur su marché, comme complète et d’en expliquer les différents algorithmes.

Fallait il que la méthode, largement développée par la MAPPP en son temps, soit mentionnée dans la loi pour qu’elle soit utilisable en toute confiance?

Sévère mais juste?

Ainsi, par cette décision, le juge administratif n’hésite pas à teinter son contrôle d’une très grande rigueur, rappelant que le marché de partenariat demeure un contrat dérogatoire au droit commun.

Il se fait donc le gardien du recours à ce dernier en signifiant à l’acheteur que sa démarche, dans le cadre de l’élaboration d’une évaluation préalable, doit être gouvernée par une strict personnalisation de chaque donnée à l’espèce. Il doit ainsi veiller à circonstancier et détailler in concreto son analyse afin de justifier le recours à ce type de marché.

Mais est-il encore raisonnable de tenter de déroger?

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