Conseil d’État, 26 juillet 2022, n° 437765
FAITS
Par un arrêté du 18 juin 2018, le maire de Montreuil a délivré au pétitionnaire d’un permis de construire modifiant un permis initial accordé en 2015, pour la construction d’un ensemble immobilier de trois logements.
Une requérante a demandé par la suite au tribunal administratif de Montreuil l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 18 juin 2018, ainsi que de la décision implicite de refus née du silence gardé par le maire sur sa demande de retrait de cet arrêté.
Le tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande par un jugement du 20 novembre 2019, la requérante se pourvoit en cassation.
QUESTION
Dans quelle mesure un permis de construire modificatif peut-il modifier le projet de construction initialement autorisé ?
Décision
Le Conseil d’État juge en premier lieu que « l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
Il tire ensuite les conséquences de ce principe en ce qui concerne l’affaire qui lui est soumise. Les modifications apportées au projet objet du permis initial en cours de validité se bornaient à prévoir :
– la jonction des deux bâtiments initiaux en une seule construction,
– un escalier couvert commun,
– la surélévation d’une partie de la construction en rez-de-chaussée, l’adjonction d’une terrasse d’une surface de plancher de 4 m²,
– ainsi que le remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois, deux murs en briques.
Le Conseil d’État juge qu’en estimant que ces modifications avaient pu faire l’objet d’un permis modificatif, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
commentaire
La décision du 22 juillet 2022 élargit substantiellement les possibilités de modifier les projets immobiliers au moyen d’un permis de construire modificatif.
Dans un avis rendu le 2 octobre 2020 en application des dispositions de l’article L.113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’État avait déjà accru les possibilité de régularisation d’un permis de construire entaché d’un vice en admettant que la régularisation puisse impliquer de revoir l’économie générale du projet concerné :
« un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
En conséquence, un permis de construire modificatif peut être demandé et accordé si trois conditions sont remplies :
– le permis de construire initial est toujours en cours de validité,
– les travaux ne sont pas achevés,
– les modifications n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.