Les réseaux sociaux des services publics qualifiés de biens de retour par le Conseil d’État?

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Conseil d’État, Commune de Nîmes, 16 mai 2022, n° 459904

FAITS

La Société Culturespaces s’est vu attribuer, en janvier 2013, par la Commune de Nîmes, une délégation de service public portant sur l’exploitation culturelle et touristique des monuments romains de la ville à savoir des arènes de Nîmes, de la Maison carrée et de la tour Magne. 

Cette délégation impliquait notamment, pour l’attributaire, la gestion des services d’accueil, l’animation culturelle et la valorisation des arènes de la ville. 

En 2020, une procédure de passation pour l’attribution d’une nouvelle délégation de service public a été lancée par la Commune. Cette concession avait un objet analogue à la première conclue en 2013. L’offre de la Société Culturespaces n’a pas été retenue par la Commune de Nîmes.

Le 13 décembre 2021, le juge des référés mesures utiles, saisi par la Commune de Nîmes, d’une demande tendant à la restitution des biens de retour de la concession – portant sur l’exploitation touristique et culturelle des arènes de Nîmes, de la Maison carrée et de la tour Magne – que constituent les biens matériels et immatériels liés à ce contrat, notamment les communautés et contenus numériques liés aux pages des réseaux sociaux et le film relatif à la Maison carrée et les décors des Grands Jeux romains – a, par ordonnance, rejeté la demande de la ville. 

La Commune de Nîmes a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. 

question

Les droits d’administration de pages internet hébergées sur les réseaux sociaux constituent-ils des biens de retour au sens du Code de la commande publique ?

Décision

Le Conseil d’État aborde tout d’abord la question de la compétence du juge des référés mesures utiles. Il estime, à ce titre, qu’en cas de contestation utile et justifiée par l’urgence, et notamment s’agissant de la restitution par le concessionnaire des biens de retour d’une concession, le juge des référés est compétent pour traiter des questions relatives à la gestion d’un service public : 

« S’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans la gestion d’un service public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle ».

Le Conseil d’État vient ensuite déterminer la qualification en biens de retour des biens objets de la concession de service public. 

A ce titre, le Conseil d’État estime que : 

« Si les parties au contrat de délégation peuvent décider la dévolution gratuite à la personne publique d’un bien qui ne serait pas nécessaire au fonctionnement du service public, elles ne sauraient en revanche exclure qu’un bien nécessaire au fonctionnement du service public lui fasse retour gratuitement, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit ».

Le juge considère ainsi que les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments étant nécessaires au fonctionnement du service devaient être retournés gratuitement au terme du contrat, à la personne publique.

Enfin, et concernant la compétence du juge administratif s’agissant de sujets relatifs à la propriété intellectuelle, littéraire et artistique.  

Bien que le code de la propriété intellectuelle indique que « les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique (…) sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires », le Conseil d’État considère que : 

« les demandes de la commune de Nîmes ne tendent toutefois qu’à la restitution de différents supports, matériels ou non, ainsi que des droits d’administration de pages hébergées sur les réseaux sociaux, sans préjudice des éventuels droits de propriété intellectuelle relatifs à ces supports ou aux contenus hébergés par ces pages ».

Ainsi, et sur tous ces fondements, le Conseil d’État annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes et enjoint l’attributaire à restituer à la commune de Nîmes le support du film relatif à la Maison carrée, les décors des Grands Jeux romains et, surtout, les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments objet du la délégation de service public.

COMMENTAIRE

Le Conseil d’État faisant une application classique des dispositions de l’article L.3132-4 du Code de la commande publique relatives aux biens de retour, et de la jurisprudence Commune de Douai rendue le 21 décembre 2012, estime que les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments -objet du contrat- sont effectivement des biens de retour devant être restitués à la personne publique au terme de la concession. 

Cette décision apporte un éclairage utile sur la qualification des biens de retour à l’aune de la digitalisation et de l’ouverture, notamment des services publics, au numérique.

La restitution des biens matériels et immatériels, nécessaires au fonctionnement du service public doit donc être opérée s’agissant des droits d’administration de pages de réseaux sociaux, et ce dans le cadre de la gestion d’un service public. 

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