Conseil d’État, 7 juillet 2022, M. B… c. ONF, n°457616
FAITS
M. B… a demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler la décision du 4 octobre 2016 par laquelle le directeur régional de l’Office national des forêts (ONF) a prononcé la résiliation de la convention du 17 février 2014 par laquelle il avait été autorisé à occuper un terrain situé dans la forêt domaniale littorale de Saint-Philippe, pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2014.
Par un jugement n° 1700273 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19BX03044 du 16 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé contre ce jugement. Par un pourvoi, le requérant demande au Conseil d’État d’annuler cet arrêt.
question
La convention d’occupation d’une dépendance du domaine privé relève-t-elle du juge judiciaire ou administratif ?
Décision
Le Conseil d’État, réformant la décision d’appel, considère qu’aucune des clauses de la convention en cause ne justifie que, dans l’intérêt général, cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
Dès lors, en statuant comme elle l’a fait, la cour administrative d’appel de Bordeaux a inexactement qualifié ces stipulations de la convention conclue et commis une erreur de droit en retenant la compétence de la juridiction administrative. Il s’ensuit que le requérant est fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
commentaire
La contestation par une personne privée de l’acte par lequel une personne publique, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne privée, conduit ou achève une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève donc de la compétence du juge judiciaire.
Le juge administratif est toutefois compétent lorsque le contrat litigieux comporte une clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
Pour juger que le contrat en litige comprenait des clauses impliquant qu’il relève du régime des contrats administratifs, et en déduire que le contentieux relatif à sa résiliation relevait de la compétence du juge administratif, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est fondée sur les stipulations permettant d’une part à l’ONF de résilier le contrat sans indemnité ni préavis dans le cas où il déciderait d’engager une procédure de cession de cette parcelle, et, d’autre part à l’ONF de faire réaliser des travaux de remise en état du terrain aux frais du concessionnaire, habilitant ses agents à contrôler la bonne exécution par l’intéressé des obligations lui incombant et, enfin, sur l’interdiction faite au concessionnaire d’élaguer, d’abattre ou d’enlever un arbre sans l’accord écrit de l’ONF, pour qualifier le contrat d’administratif.
Cette décision bouscule le régime, jusque-là assez apaisé, de la qualification de clause exorbitante du droit commun : les clauses de la convention en cause auraient certainement constitué pour le juge des clauses exorbitantes de droit commun. Tel n’est pas le sens de la décision du Conseil d’État. Les clauses exorbitantes vont-elles donc devenir introuvables ?
L’analyse du Conseil d’État doit être rapprochée de celle du Tribunal des conflits de 2020 (TC, 2 nov. 2020, INRAP c/ Société Eveha, n° C4196) qui avait considéré qu’une la clause conférant au cocontractant privé un pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général empêchait la qualification administrative du contrat.