CE, 13 décembre 2021, n°443815
FAITS
Des requérants sollicitaient l’annulation d’un permis de construire délivré par le maire d’Erquy à la SARL Kaufman et Broad Bretagne et à la SAS Immobilière Domusvi, autorisant la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et d’une « résidence services seniors ».
Les requérants avaient notamment invoqué devant le juge administratif la méconnaissance de la règle suivante du règlement du plan local d’urbanisme (« PLU ») concernant la zone 1AU : « (…) Au titre de l’article L. 123-2 d) du code de l’urbanisme, dans les zones 1AU, au moins 20 % du nombre des logements de toutes les opérations en comprenant au moins 8, devront être affectés à la réalisation de logements locatifs à vocation sociale, dans le respect des objectifs de mixité sociale (…)« .
QUESTION
Quelle est la destination urbanistique des résidences service senior pour l’application des objectifs de mixité sociale ?
DÉCISION
L’article d) de l’article L.123-2 du code de l’urbanisme (devenu article L.151-15 du code de l’urbanisme) prévoit la possibilité pour un plan local d’urbanisme d’instituer, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des servitudes consistant à délimiter des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des catégories de logements locatifs qu’il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale.
En l’espèce, le PLU prévoyait au titre de cet article que dans les zones UA, UB et 1AU, au moins 20 % du nombre des logements de toutes les opérations en comprenant au moins huit, devront être affectés à la réalisation de logements locatifs à vocation sociale, dans le respect des objectifs de mixité sociale.
Le Conseil d’État dans un premier temps qualifie les résidences services senior au regard des articles L. 631-13, L. 631-15, L. 631-16 et D. 631-27 du code de la construction et de l’habitation (CCH):
Une résidence services permet à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, précisés dans le contrat de location notamment lorsque le gérant de ces services est également le bailleur, et qui sont l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs, la mise à disposition d’un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d’assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens, et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés.
Les occupants peuvent en outre souscrire des services spécifiques individualisables auprès de prestataires.
En l’espèce, le permis de construire ayant été accordé pour une résidence services seniors de quinze appartements T2, dont huit sont transformables en une unité de vie de seize lits rattachés à l’EHPAD mitoyen et qu’ainsi, uniquement destinée à des personnes âgées, elle assurera des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population.
Le Conseil d’État estime que, dans ces conditions, une telle résidence relève d’une vocation d’hébergement et non de logement au sens du d) de l’article L. 123-2 du code de l’urbanisme.
COMMENTAIRE
A la question de savoir à quelle sous-destination il convient de rattacher les résidences service senior, le juge précise qu’une telle résidence, uniquement destinée à des personnes âgées et assurant des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population, relève de la sous-destination « hébergement » et non « logement ».
Par suite, il en tire la conséquence que les résidences services senior ne sont pas assujetties aux obligations de réalisation de logements sociaux, telles que prévues par les dispositions du PLU, en application de l’article L.123-2 du code de l’urbanisme (devenu L.151-15 du code de l’urbanisme).
Le juge ne précise néanmoins pas si les résidences services seniors demeurent assujetties ou non aux obligations de réalisation de logements sociaux pour les communes faisant l’objet d’un arrêté de carence aux termes de l’article L.302-9-1 du CCH, et cela indépendamment de la rédaction du PLU applicable.