Actualité du régime de changement de destination

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Deux réponses ministérielles récentes traitent du sujet du « changement de destination » au sens des articles R.151-27 ou R.151-28 du code de l’urbanisme.

La destination des chambres d’hôtes

La première date du 30 juin 2020, Rep.min., n°27235 : JOAN Q; 30 juin 2020, p.4617, et traite de la destination des chambres d’hôtes.

La question posée

La destination et la sous destination des chambres d’hôtes n’étant pas clairement définies dans le code de l’urbanisme, celles-ci semblent pouvoir être affectées à de « l’habitation » ou « du commerce et activités de service » :

  • la fiche technique n°6 (réforme des destinations de construction) indique que les bâtiments affectés en partie à la location de chambres d’hôtes chez l’habitant relèvent de la destination « habitation » et de la sous-destination « logement ».
  • a contrario; le tribunal administratif de Toulon (TA Toulon, 20 avril 2018, N°15100417) a jugé que l’accueil de chambres d’hôtes chez l’habitant opérait un changement de destination au sens du code de l’urbanisme même si le bâtiment en cause restait principalement consacré à l’habitation du pétitionnaire.

La réponse

Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales admet que l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations des constructions ne permet pas positionner clairement les chambres d’hôtes entre les sous-destinations « logement », « hébergement », ou « autres hébergements touristiques ».

Cela s’explique notamment par le fait que le statut particulier de la chambre d’hôte ne constitue pas en tant que telle une destination ou une sous-destination de construction au titre du code de l’urbanisme.

Le ministre considère ainsi que la chambre d’hôte ne constitue en fait qu’un accessoire d’une construction principale. A ce titre elle est régie par les dispositions relatives aux constructions annexées (deuxième alinéa de l’article R.151-29 du code de l’urbanisme) : les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal. Les chambres d’hôtes étant définies par le code du tourisme (article L. 324-3) comme « des chambres meublées chez l’habitant » et « sont limitées à un nombre maximal de cinq chambres pour une capacité maximale d’accueil de quinze personnes », ces dernières doivent être considérées comme accessoire d’une destination « habitation ».

Si l’un de ces critères n’est pas respecté, la chambre d’hôte relève alors de la destination « commerce et activité de service » et de la sous-destination « autres hébergements touristiques. »

La portée pratique

Dans la pratique (et à la limite de la légalité), il arrive que certains locaux commerciaux affectés à de l’habitation soient déclarés en « chambre d’hôtes » afin de ne pas perdre leur commercialité.

Or cela ne sera désormais possible que si le nombre de chambre est supérieur à cinq chambres et accueille plus de quinze personnes.

L’interdiction de changement de destination dans les communes littorales

La deuxième réponse ministérielle, du 18 juin 2020, concerne l’interdiction de changement de destination des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines autorisées par dérogation au principe d’urbanisation en continuité des agglomérations et villages existants : Rep.min., n°13689; JO Sénat Q, 18 juin 2020.

La question posée

L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme autorise par dérogation à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines hors secteur déjà urbanisé.

Depuis la modification opérée par la loi ELAN, ces opérations ne peuvent être autorisées qu’en dehors des espaces proches du rivage, à l’exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines. De plus, il a été introduit un dispositif contraignant, interdisant le changement de destination des constructions agricoles, forestières ou de cultures marines autorisées par la voie dérogatoire susmentionnée.

Il est donc demandé au Gouvernement de clarifier l’application de l’interdiction de changement de destination aux seuls bâtiments autorisés dans le cadre du dispositif dérogatoire introduit par l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme.

La réponse

Le ministre répond que la loi nouvelle est d’application immédiate et a vocation à s’appliquer immédiatement aux situations en cours lors de son entrée en vigueur. Il en résulte qu’à défaut de dispositions contraires, l’interdiction de changement de destination introduite par la loi ELAN à l’alinéa 4 de l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme s’applique aux demandes de changement de destination des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines sur lesquelles il est statué à compter de l’entrée en vigueur de la loi ELAN, ce qui peut inclure des demandes déposées avant son entrée en vigueur, compte tenu du délai d’instruction. Pour l’application de cette disposition, il n’y a pas lieu de distinguer les constructions édifiées avant l’entrée en vigueur de la loi ELAN et celles autorisées en vertu des nouvelles dispositions de l’article L. 121- 10 du code de l’urbanisme.

Cette nouvelle disposition ne s’applique pas en revanche aux bâtiments agricoles anciens, édifiés avant l’institution du régime du permis de construire par la loi du 15 juin 1943, et dont l’usage agricole a depuis longtemps cessé en raison de leur abandon. La jurisprudence considère en effet que l’usage initial de ces bâtiments ne leur confère pas une destination agricole (CE, 28 décembre 2018, n°408743). Ces bâtiments agricoles anciens ne peuvent par conséquent être regardés comme des « constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles» au sens de l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme. L’interdiction de changement de destination prévue par cet article ne leur est donc pas applicable.

La portée pratique

La sénatrice Agnès Canayer rappelait que de nombreux bâtiments agricoles anciens situés en communes littorales constituent un patrimoine architectural remarquable et participent pleinement à la valorisation du littoral. Or ces bâtiments deviennent souvent inadaptés aux nouvelles pratiques et normes agricoles et leur préservation ne peut se faire que par changement de destination.

La réponse du gouvernement est sans appel puisqu’il confirme que l’interdiction de changement de destination posée par l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme concerne donc également les constructions édifiées avant l’entrée en vigueur de la loi ELAN.

La seule exception possible concerne des bâtiments agricoles édifiés avant l’institution du permis de construire et laissés à l’abandon.

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