Le juge administratif a de longue date reconnu à l’administration, même en l’absence de clause contractuelle en ce sens, le droit de résilier un contrat administratif pour faute (CE 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz Déville-lès-Rouen, n°94624).
Alors que la résiliation d’un marché privé est, en principe, judiciaire (sauf en présence d’une clause contractuelle de résiliation de plein droit comparable celle de l’article 22.1.2 de la norme NF P.03-001), la faculté de résiliation unilatérale de plein droit d’un contrat administratif offerte à l’administration en cas de faute de son cocontractant illustre le « privilège du préalable » dont bénéficie la puissance publique dans ses relations contractuelles.
Il reste que ce droit de résilier le contrat unilatéralement pour faute est subordonné à la démonstration de la commission d’une faute grave: le juge administratif exerce un contrôle de qualification juridique sur l’appréciation portée sur le point de savoir si le titulaire d’un marché public a commis une faute suffisamment grave pour justifier, en l’absence de clause contractuelle prévue à cet effet, la résiliation du marché à ses torts exclusifs.
Le Conseil d’État l’avait jugé en matière de marchés publics (CE 26 février 2014, Société Environnement services, n°365546): la sanction doit être proportionnelle à la faute (CE 10 février 2016, Société Signacité, n°387769).
Il a récemment fait application de cette solution en ce qui concerne la résiliation d’une concession aux torts du concessionnaire (CE 6 mai 2019, Commune de Saumur c. Société CVT Loisirs, n°420070).
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a refusé d’admettre que le défaut de paiement d’une redevance, compte tenu du montant des investissements engagés et de l’équilibre économique de l’exploitation, ne justifiait pas que le contrat de concession fût résilié aux torts exclusifs du concessionnaire:
« 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en vertu de l’article 5 de la convention de concession, la société CVT Loisirs s’était engagée à réaliser des travaux de mise aux normes et de développement identifiés et chiffrés au sein d’une annexe à la convention, pour un montant estimatif de 272 284,25 euros HT. Aux termes de l’article 9 de la convention relative à la redevance annuelle due à la commune concédante, le concessionnaire pouvait déduire du montant de cette redevance l’annuité résultant de la souscription d’un emprunt sur dix ans pour la somme nécessaire à couvrir lesdits travaux. Plusieurs différends étant nés entre les parties quant à la communication des documents relatifs au prêt contracté à cette fin par le concessionnaire et aux modalités de calcul de la déduction, la société CVT Loisirs n’a pas déféré à la mise en demeure de la commune de lui verser l’acompte de la redevance de l’année 2009, d’un montant de 40 330,63 euros.
En estimant que la commune de Saumur pouvait résilier unilatéralement, pour ce seul motif, la concession alors que le non versement, certes fautif, de cette somme n’était pas, eu égard au montant des investissements engagés par le concessionnaire et à l’équilibre économique de l’exploitation, dont le chiffre d’affaires annuel avoisinait un million d’euros, d’une gravité suffisante pour fonder légalement la déchéance du concessionnaire, la cour administrative d’appel de Nantes a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
En d’autres termes, il convient de peser l’éventuelle décision de résiliation au regard tant des conséquences de la faute alléguée sur le service public et son fonctionnement que de l’économie du contrat et de l’importance de la clause ou des clauses contractuelle(s) méconnues par le concessionnaire.