Appréciation du principe d’impartialité sur la procédure de passation d’un marché public  

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Conseil d’État 23 février 2022 n°467455 

faits

La commune de Caudry a lancé un appel d’offres en vue de la passation d’un marché public de fourniture portant sur l’extension et la maintenance de son système de vidéo-protection urbaine. La commune a, par la suite, retenue l’offre proposé par un groupement, écartant par la même occasion l’offre de la société Sofratel. Cette dernière a saisi le juge du référé précontractuel du TA de Lille sur le moyen tiré d’un manquement au devoir d’impartialité.  

Par une ordonnance du 26 août 2022, le tribunal a rejeté sa demande. La société requérante a alors formé un pourvoi en cassation. Elle fonde son moyen tiré du manquement au devoir d’impartialité sur la participation à la procédure d’attribution d’un assistant à maîtrise d’ouvrage, la société AV Protect, dont le dirigeant est aussi dirigeant de l’un des fournisseurs de logiciels du groupement attributaire.  

question de droit

La présence d’un dirigeant dans et dans constitue-t ’il un manquement au principe d’impartialité ?  

décision

Le Conseil d’État rappelle dans un premier temps que « le principe d’impartialité est un principe général du droit qui s’impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ». Il rappelle à cet effet l’article L.2141-10 du Code de la commande publique qui énonce les modalités de ce principe. 

En l’espèce, le Conseil d’État considère que la participation du dirigeant en tant que potentiel attributaire et assistant à maitrise d’ouvrage était de nature à compromettre le principe d’impartialité dès lors que « en faisant participer la société AV Protec à l’analyse et l’évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux, la commune de Caudry a méconnu le principe d’impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence ». 

commentaire

Le Conseil d’État a déjà exercé en cassation un contrôle de la qualification juridique sur le respect du principe d’impartialité lors de la passation d’un contrat public (CE 12 septembre 2018, Syndicat mixte des ordures ménagères de la vallée de la Chevreuse n°420454). 

Pour statuer en l’espèce, le Conseil d’État a dû vérifier si les deux conditions nécessaires à caractériser un manquement au principe d’impartialité était réunies. 

  1. Il faut d’une part des circonstances susceptibles de susciter un doute sur l’impartialité d’une personne. S’agissant de la première condition, le juge tient compte de la nature, de l’intensité, du caractère actuel ou non des relations directes ou indirectes de la personne en cause mais il écarte la prise en compte de l’intentionnalité. 
  2. D’autre part, le juge vérifie si la personne mise en cause a participé à la procédure de passation ou a été susceptible d’exercer une influence sur l’issue de la procédure. A ce propos, le rapporteur Gilles Pélissier, dans ses conclusions sur la décision Société Applicam du 14 octobre 2015 n°390968, expliquait que « La rédaction des documents de la consultation fait courir moins de risques d’influence sur l’issue de la procédure que la participation à l’évaluation des offres ». 

Le Conseil d’État effectue ici un contrôle plutôt strict du principe d’impartialité en écartant la prise en compte de l’intentionnalité. Cette méthode semble être potentiellement en contradiction avec les directives européennes transposées dans la loi du 9 mars 2023 n°2023-171 qui assouplissent les conditions de rédemption des entreprises « repris de justice » frappées antérieurement par l’interdiction de soumissionner. 

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