Conseil d’État 17 avril 2023 n° 468789
faits
Par deux arrêtés des 5 octobre 2020 et 7 juin 2021, le maire de Mérignac a accordé un permis de construire (PC) et un permis de construire modificatif (PCM) pour la réalisation d’un stade sur un ensemble de parcelles occupé par des installations sportives.
Les voisins du projet ont saisi le Tribunal administratif de Bordeaux en vue de la suspension de l’exécution du PC et du PCM.
Par un jugement avant-dire-droit du 14 septembre 2022, le tribunal administratif a considéré que le projet aurait dû faire l’objet d’une étude d’impact et a sursis à statuer dans l’attente de la régularisation de ce vice.
L’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit initialement un régime spécifique pour les référés-suspension relatif aux autorisations d’urbanisme. Toutefois, les requérants ont fondé leur requête sur l’article L. 122-2 du Code de l’environnement, qui dispose que « Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d’approbation d’un projet visé au I de l’article L. 122-1 est fondée sur l’absence d’étude d’impact, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
Le juge des référés Bordeaux a, par une ordonnance le 24 octobre 2022, rejeté l’argument selon lequel la demande était tardive en se basant sur l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme. Ce dernier a justifié sa décision en expliquant que la demande de suspension était fondée sur l’article L. 122-2 du code de l’environnement, qui relève d’une législation distincte. En conséquence, le juge a ordonné la suspension de l’exécution du permis de construire ainsi que du permis de construire modificatif.
La société Stade nautique Mérignac et la commune de Mérignac se pourvoient alors en cassation.
Question
Le délai accordé aux parties par le juge administratif afin de permettre la régularisation de l’absence d’étude d’impact a-t-il une incidence sur le calcul du délai imparti aux requérants pour former un référé-suspension contre une autorisation d’urbanisme ?
Décision
Le Conseil d’État annule l’ordonnance en référé du Tribunal administratif de Bordeaux.
Selon lui, bien que les requérants ne se soient pas prévalus de l’article L. 122-2, étant donné l’absence d’étude d’impact, le Tribunal aurait dû faire droit à leur demande. Il juge toutefois in concreto, que le Tribunal aurait dû rejeter la demande sur le fondement de la cristallisation des moyens. En effet, selon lui, une demande de suspension n’est recevable que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge en premier ressort.
Le fait que jugement avant-dire-droit de premier ressort ait accordé aux parties un délai pour régulariser ce vice est sans incidence sur le calcul de ce délai.Le Conseil d’Etat considère ainsi que « […] la circonstance que, par un jugement avant-dire-droit, le juge ait constaté l’absence d’étude d’impact et accordé aux parties un délai pour régulariser ce vice est sans incidence sur le calcul de ce délai. ».
Commentaire
L’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une demande de référé-suspension contre un permis de construire est irrecevable dès qu’est expiré le délai au-delà duquel intervient la cristallisation des moyens, soit deux mois après la communication du premier mémoire en défense.
Si la présente décision apparaît conforme à la lettre du texte, cette dernière contraste avec l’ouverture de la suspension pour absence d’étude d’impact, renforcée par le récente loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Par ailleurs, la suspension de droit s’applique également lorsque l’autorité administrative a exempté le projet d’une évaluation environnementale après un examen in concreto d’après un arrêt du Conseil d’État du 19 juin 2015 n°386291.Enfin, le juge précise que lorsque la suspension est de droit, ce dernier n’a pas à s’interroger sur l’existence ou non d’une urgence à suspendre l’exécution de la décision en litige.