Conseil d’État, 2 décembre 2022, req. n° 460100
faits
Deux personnes physiques ont demandé au tribunal administratif de Pau, notamment, de résilier ou d’annuler le contrat de bail emphytéotique portant sur les murs et dépendances de l’hôtel du Palais signé entre la commune de Biarritz et la société Socomix.
Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.
Par un arrêt du 2 novembre 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les appels formés contre ce jugement. L’arrêt a été frappé d’un pourvoi en cassation.
question
Un bail emphytéotique consenti par une commune doit-il obligatoirement faire l’objet d’une consultation publique avant sa conclusion ?
décision
Le Conseil d’État rappelle en premier lieu que tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’État n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.
La Haute juridiction considère ensuite que les dispositions de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ont été transposées à l’article L.2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Elle décide que si ces dispositions impliquent des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique, il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé : en effet, de telles autorisations ne sont pas réputées constituer des autorisations pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de ladite directive.
Dès lors, en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que la conclusion du bail contesté méconnaîtrait cette directive, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce, n’a pas commis d’erreur de droit. Le pourvoi est donc rejeté.
commentaire
Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’évolution issue de la décision « Promoimpresa » du 14 juillet 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a mis fin la délivrance des titres d’occupation du domaine public sans mise en concurrence. On se rappelle en effet que, sur la base de l’arrêt dit « Jean-Bouin » de 2010 (CE 03/12/2010, req. n°338272), le Conseil d’État avait considéré qu’aucun texte ni aucun principe n’imposait à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation lorsqu’elle a pour seul objet l’occupation d’une dépendance du domaine public.
L’alignement du droit français sur ce régime juridique, opéré par la transposition de la directive dans le code général de la propriété des personnes publiques, n’a toutefois pas purgé toute difficulté. Des décisions divergentes ont en effet été rendues au fil du temps par les juridictions du fond ; la position de l’administration, exprimée notamment dans des réponses ministérielles, a également évolué, si bien qu’une clarification devenait nécessaire.
C’est apparemment chose faite avec cet arrêt du Conseil d’État. Pour autant, la solution de principe adoptée peut paraître fragile au regard des termes de la directive précitée, dès lors que la distinction entre domaine privé et domaine publique est inconnue du droit européen. A suivre donc …