Conseil d’État, 10 octobre 2022, Société Action développement Loisir, n°455691
Faits
Une consultation a été passée, en vue de l’attribution d’une délégation de service public ayant pour l’objet l’exploitation d’un centre aquatique, par la Communauté de communes Granville Terre et Mer.
La société Action développement loisir, dont l’offre considérée comme irrégulière avait été rejetée par la Communauté de commune, au motif que celle-ci mentionnait une convention collective inapplicable, a formé un recours devant le Tribunal Administratif de Caen tendant à l’annulation du contrat de délégation de service public conclu par la communauté de communes.
Par un jugement en date du 21 juillet 2020, le Tribunal Administratif a rejeté son recours.
La société candidate a donc fait appel de ce jugement.
Par un arrêt du 18 juin 2021, la Cour Administrative d’appel de Nantes a rejeté son appel. Le Conseil d’État saisi d’un pourvoi en cassation, a eu à se prononcer sur cette question.
Question
Le juge administratif peut-il juger de l’applicabilité d’une convention collective ou d’un accord professionnel à une société pour justifier le caractère irrégulier d’une offre déposée par celle-ci ?
Décision
Dans un premier temps, le Conseil d’État est venu réaffirmer, en application des dispositions de l’article L.2261-15 du code du travail, le principe selon lequel les stipulations relevant d’une convention de branche ou d’un accord professionnel et interprofessionnel s’imposent aux candidats lorsque ces dispositions ont été rendues obligatoires aux activités exercées par les dits candidats.
Dans un second temps, jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’État a considéré que la Cour Administrative d’Appel de Nantes n’avait pas commis d’erreur de droit en estimant que la convention collective nationale du sport et non celle des espaces de loisirs s’appliquait aux activités exercées par la société évincée.
Il estime que cette affaire ne nécessitait donc pas la saisine de l’autorité judiciaire au moyen d’une question préjudicielle, malgré le principe suivant lequel en cas de contestation sérieuse sur la détermination de la convention ou l’accord collectif de travail applicable à une entreprise, le juge administratif doit surseoir à statuer jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se soit prononcée sur la question.
Le Conseil d’État a donc fait une application directe des dispositions de l’article L2261-2 du Code du travail relatif à la détermination de la convention collectivité applicable à l’activité exercée.Enfin, le juge administratif est venu rappeler que le pouvoir adjudicateur et l’attributaire du contrat peuvent se prévaloir devant le juge du caractère irrégulier d’une offre pour soutenir qu’un demandeur ne peut utilement soulever un moyen critiquant l’appréciation des autres offres.
Commentaire
Le Conseil d’État faisant une application concrète et littérale des dispositions du Code du travail relatives aux conventions de branches et accords professionnels, considère, en effet, que :
« (…) les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’une délégation de service public lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention.
Il considère ainsi qu’une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l’autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.L’application classique de cette disposition permet ainsi au juge administratif d’échapper au dépôt d’une question préjudicielle devant l’autorité judiciaire.