Conseil d’État, 24 mars 2022, Société EPI et autres, n° 457733
Faits
Le 2 mars 2021, une commune a lancé une consultation pour l’attribution du lot n°23 d’une sous-concession de travaux et de service public balnéaire.
Une société a déposé une candidature et une offre, le 8 mai 2021, pour l’attribution de cette sous-concession. Le 27 août 2021, la commune a informé la société candidate que son offre était arrivée en deuxième position et que la sous-concession du lot n° 23 avait été attribuée à une autre société.
Sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice, la société évincée a donc saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon en vue d’obtenir l’annulation de la procédure d’attribution de la sous-concession litigieuse.
Par une ordonnance du 6 octobre 2021, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure d’attribution de la concession. Il a considéré que la similitude entre la dénomination sociale de la société requérante et celle de la société attributaire créait un « grave risque de confusion » notamment du fait de la notoriété de la société évincée. Il en a conclu que l’autorité concédante aurait dû exclure la société attributaire de la procédure de passation, ou sur le fondement de l’article L.3123-11 du code de la commande publique, l’inviter à produire des observations.
La société attributaire a alors formé un pourvoi contre cette ordonnance.
Question juridique
Une société candidate ayant une dénomination sociale proche de celle d’une autre société candidate doit-elle être exclue d’une procédure de passation au motif que cela créerait un risque grave de confusion ?
Décision
Le Conseil d’État censure le raisonnement du juge des référés sur ce point et annule l’ordonnance prise par celui-ci.
Il estime que la similitude entre deux dénominations sociales ne saurait, au seul motif que celle-ci est susceptible d’induire un risque de confusion entre deux sociétés candidates à l’attribution de la sous-concession en litige, justifier son exclusion sur le fondement des dispositions de l’article L.3123-8 du code de la commande publique.
Il précise à ce titre que les dispositions de l’article L.3123-8 du code de la commande publique permettent à l’autorité concédante « d’exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur et qui n’a pas établi, en réponse à la demande que l’acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats ».
Commentaire
Par cette décision, le Conseil d’État vient préciser les cas dans lesquels une autorité concédante peut exclure un candidat d’une procédure de passation.
Il rappelle à ce titre les conditions dans lesquelles une telle exclusion est possible.
L’autorité concédante ne pourra exclure un candidat d’une procédure de passation qu’au vue d’éléments précis et circonstanciés permettant de justifier une possible influence sur la prise de décision de l’acheteur.
L’autorité concédante devra également, dans le cas où une confusion pourrait être avérée, laisser à la société concernée la possibilité d’apporter ses observations sur ce point et prouver que sa participation n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. Cette situation, proche de la notion de parasitisme en droit de la concurrence – qui retranscrit une situation dans laquelle « une société créée la confusion dans l’esprit des consommateurs pour profiter indûment des efforts du parasité, et, ainsi tirer indûment profit du savoir-faire et des efforts humains et financier d’une autre société » – ne constitue pas en elle-même, en matière de commande publique, un cas d’exclusion de candidature.