Location par une personne publique de locaux professionnels à des conditions plus favorables que celles offertes par le marché

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Conseil d’Etat, 28 septembre 2021, n° 431625

Faits

Le centre communal d’action sociale (CCAS) d’une commune a signé le 11 mai 2016 un contrat de location de locaux professionnels avec un professionnel de santé (masseur-kinésithérapeute). D’autres professionnels de santé établis dans la même commune ont obtenu du Tribunal administratif de Bordeaux le 4 juin 2018 l’annulation de la décision du président du CCAS de signer le contrat de location.

Le CCAS de Pauillac se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 12 avril 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux qui avait annulé cette décision.

Question de droit

Dans quelles conditions une personne publique peut-elle donner à bail une dépendance de son domaine à des conditions plus favorables que celles offertes par le marché ?

Décision

Le Conseil d’État rejette le pourvoi introduit par le CCAS.

Après avoir rappelé qu’« une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes », le Conseil d’État examine les conditions dans lesquelles le CCAS a consenti le contrat de location de locaux professionnels.

Or, au cas précis, le Conseil d’État relève d’abord que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, sans dénaturer les pièces du dossier, considéré que compte tenu du loyer moyen au mètre carré versé par d’autres professionnels de santé pour des locaux situés sur le territoire de la commune et des travaux de rénovation du local en litige financés par le CCAS, les conditions du bail conclu étaient plus favorables que celles du marché.

Le Conseil relève ensuite que si le bail en litige a certes été conclu en vue de favoriser l’installation d’un professionnel de santé sur le territoire de la commune, la circonstance que cette dernière ne fasse pas partie des zones – déterminées par le directeur général de l’agence régionale de santé – que caractérise une offre insuffisante de soins pour cette profession, faisait obstacle à ce qu’il soit considéré qu’un motif d’intérêt général justifie la location du bien pour un loyer inférieur à sa valeur locative.

Commentaire

Dans la droite ligne du principe selon lequel, les personnes morales de droit public ne peuvent jamais payer une somme indue (CE 19 mars 1971, Sieur Mergui, n°79962, rec. 235), le Conseil d’État transpose à un contrat de location de locaux professionnels la solution dégagée de longue date en matière de cession de biens immobiliers pour un prix inférieur à leur valeur.

Dans sa décision n°169473 du 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, le Conseil d’État avait jugé à propos de la cession par une commune d’un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur qu’une telle opération ne méconnaît pas le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé lorsqu’elle est « justifiée par des motifs d’intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes ». Il est enfin rappelé que l’existence d’un ou plusieurs motifs d’intérêt général ne suffit pas, en lui même, à justifier une opération de cession ou de location du domaine plus favorable que les conditions normales du marché ne laisseraient espérer.

Il revient ainsi au juge (CE 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, n° 375577) d’identifier en outre les contreparties que comporte la cession, c’est-à-dire les avantages que, eu égard à l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante ou bailleresse a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s’assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité.

Une fois l’existence de ces contreparties établies, il faudra encore vérifier qu’elles sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé.

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