Conseil d’Etat, 2 mars 2022, n°458019
FAITS
La Direction Régionale de La Réunion de Pôle Emploi avait lancé un appel d’offres sous la forme d’un accord-cadre portant sur des prestations de services de formation professionnelle au bénéfice des personnes à la recherche d’un emploi.
Ce marché avait fait l’objet d’une publication au BOAMP le 27 avril 2021
Une société s’était portée candidate pour les lots 8NE, 8SO, 9NE, 12 et 14 de l’accord-cadre.
Par un courrier en date du 19 juillet 2021, la directrice régionale de Pôle Emploi à La Réunion a demandé, sur le fondement de l’article L. 2152-6 du code de la commande publique, à la société requérante, de justifier les prix indiqués dans ses propositions financières pour les lots 8NE, 8SO, 9NE, 12 et 14.
Par une décision du 14 septembre 2021, Pôle Emploi a informé cette société, d’une part, que les offres présentées par celle-ci pour les lots 8 NE, 8SO, 12 et 14 n’avaient pas été retenues en raison de leur caractère anormalement bas, d’autre part, que le lot 9NE était déclaré infructueux. Son offre a donc été rejetée par le pouvoir adjudicateur.
La société évincée avait alors formé un référé précontractuel devant le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion pour obtenir notamment l’annulation, au stade de la phase d’analyse des offres, de la procédure de passation engagée par la Direction Régionale et l’annulation des décisions relatives à cette procédure de passation.
Par une ordonnance du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions du 14 septembre 2021 par lesquelles la Direction Régionale a rejeté les offres de la société requérante et la procédure de passation des quatre lots litigieux.
La Direction Régionale de La Réunion de Pôle Emploi s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État en vue de demander l’annulation de l’ordonnance du 14 octobre 2021 rendue par le tribunal administratif de La Réunion.
La société, requérante, a formé, en parallèle, un pourvoi incident tendant à l’annulation de l’article 3 de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a annulé l’intégralité de la procédure de passation.
QUESTION
Le juge des référés doit-il, en cas de manquement lié à une phase de sélection des offres par l’acheteur, annuler l’ensemble de la procédure de passation du marché ?
décision
Le Conseil d’État annule l’ordonnance du 14 octobre 2021 rendue par le tribunal administratif de La Réunion en tant que celle-ci a annulé à un stade antérieur à la phase de sélection des offres la procédure de passation des lots litigieux. Le juge enjoint par la même occasion Pôle Emploi, s’il le souhaite, à reprendre dans son intégralité la procédure de passation entreprise.
Venant tout d’abord rappeler les dispositions de l’article L.551-1 du code de justice administrative, qui organise les conditions de saisine du juge des référés en matière précontractuelle, le Conseil rappelle que le juge des référés a estimé que les prix établis par la société requérante dans son offre n’étaient pas manifestement sous-évalués et de nature à compromettre l’exécution des marchés.
Le juge des référés a considéré que Pôle Emploi avait commis une erreur manifeste d’appréciation en écartant les offres présentées par la société requérante au motif qu’elles auraient présenté un caractère anormalement bas, méconnaissant par conséquent le principe d’égalité entre les candidats.
Le Conseil d’État estime que le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l’ensemble de la procédure et non pas la seule phase d’examen des offres.
commentaire
Cet arrêt vient ainsi rappeler les conditions de saisine du juge des référés précontractuels mais également, et surtout, les pouvoirs qui lui sont octroyés dans le cadre de son contrôle.
Il apporte ainsi des précisions quant aux conséquences d’une annulation d’une procédure de passation par le juge des référés lorsque l’acheteur a commis une erreur manifeste dans la qualification d’une offre notamment en la jugeant anormalement basse.