Compétence du juge administratif pour certains litiges entre cotraitants d’un marché de travaux publics

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Tribunal des Conflits, 8 février 2021, n°4203

Faits

Un centre hospitalier a conclu un marché public de travaux avec un groupement d’entreprises constitué des sociétés Cari, devenue Fayat Bâtiment, et Pro-Fond.

En raison de dommages causés aux bâtiments voisins, l’exécution de ce marché a été interrompue du 18 avril au 31 mai 2011. Compte tenu du préjudice résultant de cette interruption des travaux, la société Pro-Fond a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité des autres constructeurs pour obtenir réparation de ses propres préjudices, tout en demandant à être dégagée, en ce qui la concerne, de toute responsabilité.

Par ordonnance du 3 mars 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a rejeté ces demandes.

Saisi par la société Fayat Bâtiment de conclusions dirigées contre les autres constructeurs, au nombre desquels son cotraitant la société Pro-Fond, pour obtenir la réparation du préjudice subi à raison du retard dans l’exécution des travaux, mais également de conclusions similaires de la société Pro-Fond contre d’autres constructeurs, dont la société Fayat Bâtiment, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 16 octobre 2020, estimé que les conclusions de la société Pro-Fond tendant à la condamnation de la société Fayat Bâtiment à laquelle elle était liée par un contrat de droit privé ainsi que les conclusions de la société Fayat Bâtiment dirigées contre la société Pro-Fond, présentées en dehors de tout litige les opposant au maître de l’ouvrage ne relevaient pas de la compétence de la juridiction administrative.

Compte tenu de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice, devenue définitive, du 3 mars 2017 déclinant la compétence du juge judiciaire pour connaître de ces conclusions, le tribunal administratif a, par un jugement du 16 octobre 2020, sursis à statuer et renvoyé au Tribunal des Conflits le soin de décider sur la question de compétence en application de l’article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

Question de droit

Quelle est la juridiction compétente pour connaître du litige opposant deux membres d’un groupement titulaire d’un marché public de travaux tendant à la réparation du préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait du retard pris par le chantier ?

Décision

Le Tribunal des Conflits écarte l’application de sa jurisprudence constante issue de sa décision du 24 novembre 1997 Société De Castro c/ Bourcy et Sole (n° 0360), selon laquelle le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé, considérant qu’en l’espèce, le litige entre les deux cotraitants a été engagé sur le seul terrain de la responsabilité quasi-délictuelle et que la convention qui les lie lui est étrangère. Il en déduit que la juridiction administrative est compétente pour en connaître.

En d’autres termes, le Tribunal des Conflits considère que la réserve prévue par sa jurisprudence Société De Castro au profit de la juridiction judiciaire ne trouve pas à s’appliquer dans l’hypothèse où deux participants à une opération de travaux publics, liés par ailleurs par un contrat de droit privé, s’opposent dans un lige engagé sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, sans que l’exécution du contrat de droit privé soit en cause.

Commentaire

Cette affaire est une illustration de l’attractivité de la notion de travaux publics et de ses limites : un litige relatif à de tels travaux relève, en principe, de la seule juridiction administrative, même s’il oppose deux personnes privées.

L’exception à cette compétence de principe introduite par la décision Société de Castro ne se justifie que dans les seuls cas où, en dépit de l’existence de travaux publics, le litige a pour objet l’exécution d’un contrat de droit privé (tel qu’une convention de groupement ou une convention de sous-traitance).

Toute action entreprise par un membre d’un groupement momentané d’entreprises contre un autre membre du même groupement doit donc, pour être portée devant la juridiction compétente, être précédée d’une analyse précise de ses fondements.

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