CE, 9 novembre 2021, n° 438388
FAITS
En vue du financement du tronçon central entre Tours et Bordeaux de la ligne ferroviaire à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, plusieurs personnes publiques dont notamment trois communautés d’agglomération ont conclu une convention de financement en 2011.
Ces établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont successivement suspendu les versements prévus par la convention de financement. SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif de Paris de les condamner en exécution de cette dernière.
Par trois jugements, le tribunal administratif a partiellement fait droit à cette demande. Les ECPI se sont par la suite pourvus en cassation contre les arrêts rendus par la cour administrative d’appel, en invoquant notamment leur incompétence et l’existence de vices du consentement de nature à affecter la validité de la convention de financement.
question de droit
Quel est le contrôle opéré par le juge de cassation s’agissant de vices d’une particulière gravité de nature à affecter la validité d’un contrat ?
DÉCISION
Le juge de cassation a décidé que la cour administrative d’appel avait exactement qualifié les faits en retenant que les EPCI étaient compétents pour participer au financement du projet. Ils retiennent que la convention de financement a été approuvée par délibération des exécutifs des collectivités requérantes et que la réalisation du tronçon central avait pour effet d’améliorer l’accessibilité de leurs territoires. Le projet en cause était ainsi de nature à renforcer l’attractivité des territoires communautaires et, partant, à favoriser leur développement économique.
S’agissant des vices du consentement invoqués, les EPCI estimaient qu’ils s’étaient engagés sans savoir que plusieurs collectivités initialement pressenties pour être signataires s’étaient finalement rétractées.
Le Conseil d’État estime que la cour d’appel a jugé à raison que les communautés n’avaient été induites en erreur ni sur l’étendue des obligations de leurs cocontractants ni sur l’objet de la convention de financement, après que la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la signature de la convention de financement par l’ensemble des signataires n’avait pas constitué un élément déterminant de leur consentement, et que ni la convention de financement ni le protocole d’accord relatif à la branche Bordeaux-Espagne ne comportaient d’engagement à leur égard.
Le juge de cassation écarte l’existence d’un vice du consentement, après avoir exercé un contrôle de qualification juridique des faits constitutifs d’un vice de consentement de nature à affecter la validité d’un contrat administratif.
commentaire
Rappelant le considérant de principe de sa décision dite « Béziers I » (CE, ass., 28 déc. 2009, n° 304802) par lequel il a pu énoncer qu’un contrat administratif ne saurait être écarté que s’il est illicite ou en présence d’un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, le juge de cassation s’est livré en l’espèce à un contrôle de qualification juridique des faits constitutifs d’un vice de consentement de nature à affecter la validité d’un contrat, conformément à sa jurisprudence « Société Area Impianti » (CE, 20 déc. 2017, n° 408562).
Il est à noter que, de façon inédite, il a opéré un contrôle similaire s’agissant de la compétence des communautés d’agglomération. En effet, s’il a pu juger à plusieurs reprises que l’incompétence ne constitue pas un vice d’une particulière gravité, il était jusqu’à présent systématiquement question de l’incompétence d’une autorité pour engager la personne publique mais non de l’incompétence de la personne publique elle-même.