Un BEFA conclu avec une personne publique ne constitue pas toujours un marché public de travaux

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CJUE 22 avril 2021

Faits

La Commission fait grief à la République d’Autriche d’avoir enfreint la directive 2004/18/CE au motif qu’une entité publique rattachée à la ville de Vienne avait conclu avec une entreprise privée, sans se conformer aux dispositions de cette directive, un contrat de location portant sur un immeuble de bureaux à construire, alors que ce contrat devait être requalifié en marché publics de travaux. 

Dans quels cas un BEFA doit-il être requalifié en marché public de travaux, devant faire l’objet d’une mise en concurrence ? 

Décision

La CJUE vient préciser sa jurisprudence concernant le risque de requalification d’un BEFA en marché public de travaux. Elle écarte un certain nombre d’éléments comme ne permettant pas de caractériser une requalification en marché de travaux. Ainsi, l’exercice d’une influence déterminante par la personne publique sur la conception de l’ouvrage concerné ne saurait résulter systématiquement :  

  • de la levée d’options portant sur la construction de certains espaces prévues dès l’origine dans la planification architecturale ; 
  • de l’absence de permis de construire lors de la conclusion du contrat de location ; 
  • d’un contrat de location de longue durée, d’un contrôle de l’entité publique sur l’exécution des travaux ; 
  • des spécifications de l’ouvrage formulées par l’entité publique. 

La CJUE valide les pratiques commerciales usuelles et les exigences habituelles d’un locataire. Selon une pratique commerciale courante, les projets architecturaux de grande ampleur sont mis en location bien avant la finalisation des plans de construction détaillés, de telle sorte que le propriétaire du site ou le maître d’ouvrage ne démarre la procédure formelle d’obtention d’un permis de construire que lorsqu’il dispose d’engagements de la part de locataires futurs pour une partie importante des surfaces du bâtiment projeté.

En outre, il n’est aucunement inhabituel qu’un locataire prenne des mesures afin de s’assurer que l’entrée dans les locaux puisse avoir lieu à la date prévue, notamment lorsqu’il s’agit d’un emménagement de grande ampleur.

Enfin, il est usuel qu’un preneur, privé ou public, qui cherche à louer un immeuble de bureaux, fasse préciser certains souhaits quant aux caractéristiques que ce site devrait, dans la mesure du possible, réunir, qu’il s’agisse d’un bâtiment encore à construire ou d’un changement de locataire à l’occasion duquel des travaux de remise à niveau sont effectués. 

Sur les conclusions contraires de son rapporteur public, la CJUE retient ainsi que l’immeuble litigieux n’a pas été réalisé pour répondre aux besoins de l’entité publique rattachée à la ville de Vienne, laquelle n’a pas défini les caractéristiques de l’ouvrage ou exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci. Le recours en manquement de la Commission est rejeté. 

Commentaire

Les contrats de location ou d’acquisition d’immeubles existants par un acheteur public constituent des contrats immobiliers qualifiés de marchés publics de service exclus des règles de publicité et mise en concurrence de la commande publique. 

Les BEFA ne bénéficient pas nécessairement de cette exclusion. Il s’agit de contrats à objet mixte – comportant une partie location et une partie réalisation de travaux – de sorte que les BEFA peuvent être assimilés à des marchés publics de travaux dans certaines situations. En effet, un marché public de travaux a pour objet la réalisation ou la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, de travaux ou d’ouvrages répondant aux exigences fixées par un acheteur public qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception. 

Le risque de requalification repose sur l’alternative entre les BEFA dits d’opportunité et les BEFA utilisés par l’acheteur public comme un procédé pour faire réaliser des ouvrages répondant à ses besoins dans une logique d’achat public. 

Le présent arrêt devrait permettre de sécuriser et par conséquent inciter davantage les personnes publiques à utiliser les outils juridiques issus du droit de la promotion immobilière.

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