Autorisations d’urbanisme et COVID-19: synthèse et cas pratiques

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L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a d’abord été amendée par l’ordonnance du n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19, puis par l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 et enfin par l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction pendant la période d’urgence sanitaire et l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire.

Cette modification des délais fait suite à une sollicitation forte des professionnels de l’immobilier afin de permettre une reprise rapide de l’activité économique (voir les différents articles des Échos à ce sujet). 

En effet, la suspension de l’activité des services locaux d’urbanisme et de l’octroi de permis de construire menaçait de mettre à mal toute la chaîne immobilière, tout comme l’allongement des délais de recours contentieux.

Diverses mesures de l’ordonnance n°2020-427 (article 8 en particulier) portent ainsi sur les autorisations d’urbanisme. 

Nous vous proposons une courte synthèse accompagnée de cas pratiques illustratifs permettant de mettre au clair les trois points suivant :

– le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme ; 

– le délai de validité et l’éventuelle caducité des autorisations d’urbanisme ;

– et enfin les délais de recours contre une autorisation d’urbanisme. 

L’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020, ainsi que l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, ont anticipé les effets de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prolongeant l’état d’urgence au 10 juillet 2020, en visant notamment à décorréler le calcul des différents délais de la date de cession de l’état d’urgence sanitaire, suite au report de celle-ci.

INSTRUCTION DES AUTORISATIONS D’URBANISME (article 12 ter de l’ordonnance du 25 mars)

L’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 a modifié l’article 12 ter de l’ordonnance du 25 mars 2020. Il est ainsi précisé qu’une reprise des délais d’instruction pourrait être adoptée par décret dans les conditions énoncées à l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020, c’est à dire « pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse ».

De plus, ces conditions de suspension des délais d’instruction sont également étendues aux demandes d’autorisation de division, ainsi qu’aux demandes d’autorisation d’ouverture, de réouverture, d’occupation et de travaux concernant des établissements recevant du public (ERP) et des immeubles de moyenne ou grande hauteur lorsque ces opérations ou travaux ne requièrent pas d’autorisation d’urbanisme. 

L’ordonnance n°2020-539 du 7 mai a décoléré de la fin de l’état d’urgence sanitaire le calcul du délai d’instruction et conserve comme date de référence le 24 mai 2020.

De plus, il est désormais précisé que les délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction relève également de l’article 12 ter.   

Cas de figure n°1 : demande en cours d’instruction au 12/03

Votre demande d’autorisation, certificat d’urbanisme ou encore déclaration préalable était encore en cours d’instruction au 12 mars 2020 : dans ce cas, le délai d’instruction est suspendu. Il reprendra son cours à compter du 24 mai 2020.

Exemple pratique : vous avez déposé une demande de permis de construire le 12 février 2020. Cette demande, reçu en marie le même jour, a été réputée complète (c’est à dire qu’il n’y a pas eu de demande de pièces manquantes sollicitées par la maire dans le délai d’un mois suivant le dépôt en mairie). 

Le délai d’instruction a donc commencé à courir le 12 février 2020 et devait en théorie expirer trois mois plus tard (délai de droit commun, ce délai est susceptible d’être supérieur dans des cas déterminés), c’est à dire le 12 mai 2020.

Compte tenu des nouvelles dispositions, le délai d’instruction sera donc le suivant :

– Calcul du délai écoulé entre le 12 février et le 12 mars = 1 mois

– Calcul du délai d’instruction restant = 2 mois.

Le délai d’instruction reprenant son cours le 24 mai 2020, ce dernier sera donc échu le 24 juillet 2020.

Cas de figure n°2 : demande formée après le 12/03

Le délai d’instruction de votre demande d’autorisation, certificat d’urbanisme ou encore déclaration préalable aurait dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020. Dans ce cas, le point de départ du délai d’instruction est reporté au 23 mai 2020.

Exemple pratique : vous avez déposé une demande de permis de construire en date du 12 février 2020. Or, dans cet exemple, la mairie a sollicité des pièces complémentaires : votre dossier est incomplet et le délai d’instruction ne court donc pas. Vous envoyez vos pièces en date du 10 mars, reçues par la mairie le 13 mars : à cette date, votre demande est complète. En théorie, le délai d’instruction aurait du commencer à courir le 13 mars, pour s’achever le 13 juin 2020 (exemple d’un permis faisant l’objet du délai d’instruction de droit commun de trois mois).

Or, compte tenu des nouvelles dispositions, le délai d’instruction ne commencera à courir que le 23 24 mai 2020, et ce dernier expirera le 24 août 2020.

RETRAIT DES AUTORISATIONS D’URBANISME (article 12 ter de l’ordonnance du 25 mars)

L’ordonnance n°2020-539 du 7 mai remédie à une difficulté posée par les anciennes versions de l’ordonnance du 25 mars 2020. En effet, le délai de retrait des autorisations d’urbanisme était jusqu’alors couvert par l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020, et ne bénéficiait donc pas du régime dérogatoire instauré pour les autorisations d’urbanisme.

Il est désormais prévu, à l’article 12 ter, que les règles susmentionnées en matière d’instruction des autorisations d’urbanisme de l’article 12 ter s’appliquent également au délai de retrait, prévu à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme.

CADUCITÉ DES AUTORISATIONS D’URBANISME (article 3 de l’ordonnance du 25 mars)

Le régime de la caducité des autorisations d’urbanisme a été modifié par l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 qui a amendé l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars.

Les autorisations d’urbanisme dont le terme viennent à échéance au cours de la période 12 mars et le 23 juin inclus sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la fin de cette période, c’est à dire le 24 septembre 2020.

Exemple pratique : votre permis de construire vous a été délivré le 20 mars 2017 et venait à expiration le 20 mars 2020, dans la mesure où vous n’aviez encore entrepris aucun travaux.

Dans ce cas, votre permis de construire sera prorogé jusqu’au 24 aout 2020.

Il est cependant précisé que ces dispositions ne font pas obstacle à l’exercice, par le juge ou l’autorité compétente, de ses compétences pour modifier ces mesures ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont il a la charge le justifient, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles en fixant un délai qu’il détermine. Dans tous les cas, le juge ou l’autorité compétente tient compte, dans la détermination des prescriptions ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire.

Cette modification est bienvenue, la prorogation des autorisations venant à échéance pendant la période 12 mars-23 mars 2020 étant désormais de trois mois, contre deux mois auparavant.

RECOURS CONTRE UNE AUTORISATION D’URBANISME (article 12 bis de l’ordonnance du 25 mars)

De la même façon que pour les délais d’instruction, l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai a décoléré de la fin de l’état d’urgence sanitaire le calcul du délai de recours et conserve comme date de référence le 24 mai 2020. 

De plus, il est précisé que les dispositions de l’article 12 bis s’appliquent également aux recours formés à l’encontre des agréments prévus à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme (dit « agrément bureau ») lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme ainsi qu’aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial dans les conditions prévues au I de l’article L. 752-17 du code de commerce.

Cas de figure n°1 : Autorisation non purgée de recours au 12/03

Votre non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir n’était pas encore purgée de tout recours au 12 mars 2020. Dans ce cas, les délais de recours sont suspendus. Ils recommenceront à courir à compter du 24 mai 2020 pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.

Exemple pratique : Vous avez obtenu un permis de construire le 10 février 2020 et avez procédé à son affichage sur le terrain en date du 12 février 2020. Le délai de recours contentieux à l’égard des tiers a donc commencé à courir le 12 février, et devait expirer le 12 avril 2020.

Compte tenu des nouvelles dispositions : 

– Calcul du délai écoulé entre le 12 février et le 12 mars 2020 : 1 mois

– Calcul du délai restant à courir : 1 mois

Le calcul du délai de recours reprenant au 24 mai 2020, votre permis de construire sera purgé au 24 juin 2020.

Cas de figure n°2 : recours ouvert entre le 12/03 et le 24/05

Le délai de recours de votre autorisation aurait dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020). Dans ce cas, le point de départ du délai de recours est repoussé à l’achèvement de cette période, c’est à dire au 23 mai 2020. 

Exemple pratique : Vous avez obtenu un permis de construire le 10 mars 2020 et avez procédé à son affichage sur le terrain en date du 13 mars 2020. Le délai de recours contentieux à l’égard des tiers aurait donc du commencer à courir le 13 mars, et aurait du expirer le 12 mai 2020.

Compte tenu des nouvelles dispositions, le délai de recours contentieux commencera à courir le 23 mai 2020 et expirera le 24 juillet 2020. 

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