En application de la loi n°2020-290 du 23 mars d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a été habilité à prendre, par ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, toute mesure « adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 vient ainsi préciser les mesures transitoires à disposition des acheteurs publics pour faire face à une crise sanitaire sans précédent.
Période d’application des mesures transitoires
L’ordonnance s’applique aux contrats publics en cours ou conclus entre le 12 mars et le 23 juillet 2020
L’ordonnance « commande publique » s’applique aux contrats:
– Soumis au code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas;
– En cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’une durée de deux mois. Rappelons que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois à compter du 23 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de la loi d’urgence sanitaire), mais qu’un décret en conseil des ministres peut y mettre fin avant cette durée de deux mois.
Concrètement, cette ordonnance s’applique à l’ensemble des contrats public (y compris ceux qui sont exclus du champ d’application du code, mais conclus par des acheteurs publics tels que les les conventions d’occupation domaniale ou les subventions, etc.) en cours d’exécution ou conclus pendant la période du 12 mars 2020 au 23 juillet 2020, sous réserve toutefois d’une éventuelle fin anticipée ou prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
Contenu des mesures transitoires
Les mesures d’adaptation applicables aux contrats en cours de passation
Pour les contrats publics, en cours de passation, l’ordonnance prévoit les mesures d’adaptation suivantes :
– La possibilité de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours, d’une durée suffisante, fixée par l’autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner;
– La possibilité pour l’autorité contractante d’aménager, en cours de procédure, les modalités de la mise en concurrence lorsqu’elles ne peuvent pas être respectées par l’autorité contractante;
– La possibilité de recourir à des avenants pour prolonger un marché arrivant à terme lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Dans ce cas, la durée de cette prolongation ne peut excéder la durée prévue à l’article 1er (environ 4 mois, sous réserve d’une éventuelle fin anticipée ou prolongation de l’état d’urgence sanitaire), augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration;
– Ainsi que, la possibilité de modifier par avenant les conditions de versement de l’avance, dont le taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché public;
Les mesures d’adaptation aux contrats en cours d’exécution
L’ordonnance précise que les dispositions prévues pour les contrats publics en cours d’exécution s’appliquent et dérogent, le cas échéant, aux stipulations contractuelles contraires, sauf lorsqu’elles sont plus favorables au titulaire. Sans trop de précisions, il est également prévu que ces dispositions s’appliquent uniquement lorsque des difficultés d’exécution du contrat sont rencontrées.
En premier lieu, le délai d’exécution des obligations contractuelles peut être prolongé d’une durée d’environ 4 mois, sur la demande du titulaire et avant l’expiration de ce même délai lorsque:
– Le titulaire ne peut pas respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat;
– Ou cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive.
Dans un second temps, l’ordonnance précise que lorsque le titulaire est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un contrat :
– Le titulaire ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif ;
– L’acheteur peut conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que le titulaire du marché initial ne puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur.
En cas de résiliation du contrat par l’acheteur du fait de l’état d’urgence sanitaire, le titulaire peut être indemnisé, par l’acheteur, des dépenses engagées lorsqu’elles sont directement imputables à l’exécution du marché résilié. D’autres dispositions relatives à l’indemnisation du titulaire, en cas notamment, de suspension du contrat public ou de modification des modalités d’exécution, sont prévues par l’ordonnance.
Il convient également de relever que l’ensemble des dispositions de l’ordonnance ne seront mises en œuvre « que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Si cette ordonnance s’inspire des principes généraux du droit de la commande publique et des règles déjà existantes en la matière, elle laisse aux acheteurs publics –et dans un second temps, au juge– le soin d’analyser et d’appliquer ces mesures au cas par cas et prône ainsi, dans un contexte d’urgence où la réactivité est reine, une approche in concreto dans l’application des règles de la commande publique.