Aux termes de l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les « biens immobiliers à usage de bureaux, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public », sont présumés appartenir au domaine privé des collectivités publiques qui en sont propriétaires.
Simple et claire de prime abord, cette présomption est souvent d’application délicate, en particulier s’agissant d’immeubles dont les usages ont pu évoluer ou qui sont situés dans un immeuble dont le régime juridique est incompatible avec celui de la domanialité publique, cette dernière hypothèse tendant à se faire plus fréquente avec la participation croissante de collectivités publiques à des opérations immobilières ou d’aménagement complexes (de type « ville durable »).
La décision du Conseil d’État n° 430192 du 23 janvier 2020 illustre les difficultés de mise en œuvre ce texte et fournit quelques éclaircissements utiles.
Saisi d’une affaire relative à la vente, par une commune, d’un immeuble ayant successivement accueilli les services municipaux puis des associations, le Conseil d’État, sans surprise, écarte toute idée d’affectation à l’usage direct du public.
L’accueil du public ne caractérise à lui seul pas l’existence d’un aménagement indispensable
En premier ressort, le Tribunal administratif de Melun avait retenu la domanialité publique des locaux en cause au motif « qu’ils étaient occupés par des services municipaux et qu’ils avaient fait l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution, par ces services, de leurs missions de service public du fait de l’installation d’un point d’accueil et d’orientation ».
Pour le Conseil d’État, au contraire, « ce point d’accueil et d’orientation avait pour seul objet l’accueil téléphonique ainsi que l’information et l’orientation des personnes reçues dans les bureaux. En le regardant comme un aménagement indispensable à l’exécution des missions des services municipaux de la culture, du sport et de la petite enfance installés dans les lots en cause, de nature à retirer à ceux-ci leur caractère de biens immobiliers à usage de bureaux exclus du régime de la domanialité publique par les dispositions précitées de l’article L. 2211-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ».
En d’autres termes, des bureaux administratifs relèvent du domaine privé, alors même qu’ils sont destinés à recevoir du public.
Domanialité et association syndicale libre: l’incompatibilité
Plus intéressant encore, le Conseil d’État précise le régime des immeubles acquis par une personne publique dans un immeuble inclus dans le périmètre d’une association foncière urbaine libre.
Motif pris qu’en application de l’article L. 322-9 du code de l’urbanisme, « les créances de toutes natures exigibles d’une association foncière urbaine à l’encontre d’un associé, qu’il s’agisse de provisions ou de paiements définitifs, sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de l’associé compris dans le périmètre de l’association », le Conseil d’État juge :
« le régime des associations foncières urbaines libres est incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité. Par suite, des locaux acquis par une personne publique dans un immeuble inclus dans le périmètre d’une association foncière urbaine libre, fût-ce pour les besoins d’un service public, ne peuvent constituer des dépendances de son domaine public ».
Cette solution, fermement établie de longue date en ce qui concerne les immeubles des personnes publiques soumis au régime de la copropriété, doit à l’évidence être étendue aux associations syndicales libres (ASL).