CE, 25 novembre 2021, n° 442977
FAITS
En vue de la rénovation d’une partie de son patrimoine immobilier, la commune de Reims a attribué en 2009 un marché à bons de commandes à un groupement d’entreprises solidaires.
À l’occasion de la réalisation de travaux de zinguerie effectués dans ce cadre, un incendie s’est déclaré sur la toiture de la basilique Sainte-Clotilde, détruisant le dôme nord de l’édifice.
En sa qualité de subrogé dans les droits la commune, l’assureur de cette dernière a obtenu du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la condamnation solidaire des membres du groupement à lui verser une somme en réparation des préjudices subis. L’une de ces entreprises s’est par la suite pourvue en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy par lequel sa requête tendant à l’annulation du jugement rendu a été rejetée.
question de droit
Lorsqu’est recherchée la responsabilité contractuelle ou décennale d’un constructeur, la vétusté d’un monument historique peut-elle donner lieu à un abattement affectant l’indemnité allouée au titre de la réparation des désordres ?
DÉCISION
Reprenant la solution énoncée dans sa décision « Commune de Dôle » (CE, 5 nov. 1982, n°24361), le Conseil d’État rappelle que la vétusté d’un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale d’un constructeur est recherchée à l’occasion de désordres survenus sur un bâtiment, à un abattement affectant l’indemnité allouée au titre de la réparation des désordres.
Pour ce faire, le juge de cassation précise qu’il appartient au juge saisi d’une demande en ce sens de rechercher si, eu égard aux circonstances de l’espèce, les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l’ouvrage compte tenu de sa nature, de ses caractéristiques ainsi que de l’usage qui en est fait.
En l’espèce, le Conseil d’État juge que la cour administrative d’appel de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit en prenant en considération le caractère historique de ce bâtiment pour refuser d’appliquer un coefficient de vétusté au montant de l’indemnité due au titre des travaux de réfection de la toiture de la basilique Saint-Clothilde, les travaux réparatoires n’ayant pas été considérés comme de nature à lui apporter une plus-value.
COMMENTAIRE
En matière d’abattement de vétusté, l’appréciation in concreto opérée traditionnellement par le juge tend à lui permettre de s’assurer que l’indemnisation versée n’a pas pour effet d’apporter une plus-value à la victime. Cette réparation a en effet seulement vocation à compenser la stricte entièreté du préjudice subi par cette dernière.
S’agissant d’un monument historique, il est constant que son ancienneté lui confère naturellement une certaine valeur, raison pour laquelle le juge de cassation a été conduit à estimer que l’abattement ne devait pas être appliqué en l’espèce, de la même manière qu’il a pu considérer qu’un tel abattement pouvait ne pas être justifié pour un mur de clôture d’un château inscrit à l’inventaire des monuments historiques (CE, section, 8 juillet 1998, Département de l’Isère, n° 132302).