Extension par la CJUE des moyens invocables par un candidat évincé à un marché public dans un référé précontractuel

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CJUE 24/03/2021, NAMA Symvouloi Michanikoi kai Meletites AE – LDK Symvouloi Michanikoi AE

Faits

Le Conseil d’État grec a saisi la CJUE d’une question préjudicielle afin de déterminer la conformité d’une pratique nationale avec la directive relative à la passation des marchés publics secteurs spéciaux n°92/13/CEE telle que modifiée par la directive 2014/23/UE, et notamment l’article 1er paragraphe 3 :

« Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. » 

Selon cette pratique nationale, un soumissionnaire évincé ne peut, faute d’intérêt à agir, invoquer dans sa demande de sursis à exécution de la décision admettant l’offre d’un autre soumissionnaire, des moyens sans lien avec les irrégularités en raison desquelles son offre a été exclue, à l’exception du moyen selon lequel la décision d’admission de cette offre viole le principe d’égalité dans l’appréciation des offres. 

Un candidat évincé à un marché public peut-il invoquer des moyens sans lien avec les irrégularités en raison desquelles son offre a été exclue, dans le cadre d’un référé précontractuel ? 

Décision

La CJUE censure cette pratique.

Un soumissionnaire évincé peut invoquer, dans sa demande de sursis à exécution de la décision admettant l’offre d’un autre soumissionnaire, tous les moyens tirés de la violation du droit de l’Union européenne en matière de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit, y compris des moyens qui ne présentent pas de lien immédiat avec les irrégularités en raison desquelles son offre a été exclue.

La directive ne prévoit pas d’autre exigence complémentaire s’agissant des moyens qu’un soumissionnaire évincé peut soulever dans le cadre d’un tel recours. 

Commentaire

La jurisprudence européenne tend ainsi à assouplir les conditions de mise en œuvre des référés contractuels et précontractuels au bénéfice des candidats évincés (voir également CJUE, 4 juillet 2013, Fastweb Spac/ Azienda Sanitaria Locale di Alessandria, aff. C-100/12 ; CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, aff. C-333/18). 

Cet assouplissement devrait désormais conduire à tempérer l’arrêt de principe du Conseil d’État « SMIRGEOMES » du 3/10/2008, n°305420. Selon cet arrêt, qui cumule intérêt à agir et intérêt à invoquer un manquement, un candidat évincé saisissant le juge des référés précontractuels et contractuels peut uniquement se prévaloir des manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente (dans le sens d’un assouplissement, cf. CE, 27 mai 2020, Société Clean Building, n° 435982). 

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