Moins de 100 millions d’euros étaient affectés chaque année à la réduction de la dette.
C’est un tournant qui s’amorce dans la politique immobilière de l’Etat. Le gouvernement a discrètement décidé que le produit des cessions immobilières ne serait désormais plus du tout affecté au désendettement. Cette décision, effective à partir de 2017, a été prise dans le cadre d’une réorganisation plus globale de la gestion du patrimoine immobilier présentée en Conseil des ministres fin janvier. Mais le gouvernement s’était gardé d’en faire grand bruit, sachant le sujet potentiellement polémique vu le contexte budgétaire.
« L a contribution des cessions immobilières au désendettement était surtout symbolique et notre décision n’enlève absolument rien à nos objectifs d’économies », démine-t-on à Bercy. La participation au désendettement est, jusqu’à présent, l’un des objectifs de la politique de cessions, mais pas le seul. Ces dernières années, l’Etat avait d’ailleurs cherché à augmenter cette participation, faisant passer progressivement le taux de contribution au désendettement des produits de cessions à 30 %. Sauf que de nombreuses dérogations ont été parallèlement accordées, notamment sur les immeubles vendus par la Défense ou encore ceux du Quai d’Orsay situés à l’étranger (ambassades, consulats…). Or, ces deux ministères sont ceux qui réalisent les plus grosses cessions. Résultat, la part des cessions immobilières allouée à la réduction de la dette publique a toujours été faible : elles ont totalisé 742 millions d’euros sur la période 2006-2014, « soit 12,69 % du produit de cessions », calculait la Cour des comptes l’an dernier. Un montant jugé « insuffisant » par les magistrats financiers.
Sur les 500 millions d’euros de cessions attendues en 2016, la loi de finances prévoit que 155 millions soient affectés au désendettement (contre 108 millions en 2015). Un montant en nette hausse, mais qui tient principalement au fait que le Quai d’Orsay a accepté une contribution forfaitaire de 100 millions d’euros. Reste que, au regard des quelque 2.000 milliards de dette publique de la France, cet apport est effectivement bien maigre.
« Renforcer la mutualisation »
Si le ministère des Finances a décidé d’y mettre un terme, c’est qu’il juge que ces sommes seront plus utiles ailleurs. Elles seront réaffectées au patrimoine immobilier. « Les marges libérées permettront notamment de limiter le recours aux contrats qui reposent sur un financement privé, plus coûteux que la dette publique », a récemment expliqué le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, à « Acteurs publics ». Par manque de cash, l’Etat se retrouve parfois à devoir souscrire à des crédits-bails coûteux lors d’opérations de relogement, explique-t-on à Bercy. Affecter le produit de cessions à des programmes de relogement serait donc moins coûteux pour l’Etat que de le consacrer au désendettement public. Mais Bercy prévient les ministères : qu’ils n’espèrent pas récupérer davantage de sous pour la gestion personnelle de leur parc immobilier. « L’idée est au contraire de renforcer la mutualisation. Cela s’inscrit dans une réflexion plus large sur la gestion financière dont l’objectif est d’avoir une meilleure visibilité sur les crédits engagés », y insiste-t-on.
Après avoir passé des années à expliquer qu’il est judicieux de faire contribuer le patrimoine immobilier au désendettement, Bercy va cependant devoir expliquer qu’il est aujourd’hui préférable d’y mettre un terme. Le sujet ne manquera pas de faire débat au Parlement. « La contribution au désendettement est un enjeu de crédibilité et de soutenabilité », estiment les sénateurs Michel Bouvard (Les Républicains) et Thierry Carcenac (PS) dans leur rapport budgétaire. « Mais, dans les faits, le programme de cessions immobilières peine à remplir toutes ses missions et il est temps de clarifier les choses », reconnaît Michel Bouvard. « Cet argent sera plus utile en étant destiné à la remise à niveau du patrimoine, à des opérations de rachat ou de construction », juge aussi Jean-Louis Dumont, député PS et président du Conseil immobilier de l’Etat.
Frédéric Schaeffer, Les Echos
Les ventes immobilières de l'Etat ne serviront plus à réduire la dette
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