Précisions sur l’application de la jurisprudence Czabaj  

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Avis du Conseil d’État, 12 juillet 2023, n°474865 

faits

Le maire d’une commune a, par une décision en date du 14 mai 2020, rejeté une demande d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public préalablement déposée devant lui. 

En vue de contester ce refus, un recours gracieux a été formé contre cette décision par le requérant. 

Le 1er juillet 2020, le maire a décidé de rejeter ledit recours gracieux. 

Le requérant a alors saisi le Tribunal Administratif de Lyon d’une demande tendant à l’annulation de la décision de refus du maire ainsi que le rejet de son recours gracieux. 

Par un jugement n° 2105638 en date du 6 juin 2023, le Tribunal Administratif de Lyon a décidé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de Justice Administrative, et ce avant de statuer sur la demande du requérant, de transmettre cette demande au Conseil d’État. 

A ce titre, il interroge ainsi le Conseil d’État sur les points suivants : 

  1. Le délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, consacré par la décision n°387763 du 13 juillet 2016 rendue par le Conseil d’État statuant au contentieux, peut-il être prorogé par la formation d’un recours administratif, même facultatif ? En cas de réponse positive à cette question, l’absence de mention des voies et délais de recours dans la réponse à ce recours administratif a-t-elle pour effet d’ouvrir un nouveau délai raisonnable de recours de même nature à compter de la connaissance, par son destinataire, de cette seconde décision. 
  1. Le délai raisonnable consacré par la décision précitée peut-il être interrompu par une demande d’aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l’article 43 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ? 
  1. Faut-il sinon considérer que le respect du délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, au sens de la décision précitée, doit être apprécié par le juge de manière globale, en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment des diverses actions entreprises par le requérant depuis qu’il a eu connaissance de la décision attaquée ? 

question de droit

Le principe dégagé par la jurisprudence Czabaj s’applique-t-il en cas de prorogation des délais de recours résultant de l’introduction d’un recours administratif ou d’une demande d’aide juridictionnelle ? Et ce à quelles conditions ?  

décision

1ère question

S’agissant de la première question posée par le Tribunal Administratif de Lyon et qui concerne la prorogation du délai de recours par la formation d’un recours administratif, le Conseil d’État estime que la présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d’interrompre ce délai de recours.  

Le Conseil d’État va ainsi approfondir son raisonnement et distinguer selon les décisions implicites et explicites de rejet.  

Il juge d’abord à ce titre que dans le cas d’une décision explicite de rejet si les voies et délais de recours sont mentionnés un délai de droit commun de deux mois recommence à courir à compter de sa notification. En revanche si la décision ne les mentionne pas, un nouveau délai raisonnable d’un an recommence à courir à compter de sa notification. Il juge ensuite que dans le cas d’une décision implicite de rejet si l’administration a accusé réception du recours administratif en indiquant les voies et délais de recours un délai de droit commun de deux mois recommence à courir dès la naissance de la décision implicite de rejet. A défaut, un nouveau délai raisonnable d’un an, en application de la jurisprudence Czabaj, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif commence à courir. 

2ème question

S’agissant de la deuxième question posée par le Tribunal et qui s’intéresse à l’interruption du délai raisonnable par l’intégration d’une demande d’aide juridictionnelle, le Conseil d’État estime qu’une demande d’aide juridictionnelle formée avant l’expiration de ce délai en vue de l’exercice de ce recours a pour effet de l’interrompre. 

Il précise que « le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours après la notification à l’intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d’aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l’auxiliaire de justice au titre de l’aide juridictionnelle ». 

A ce titre, ce délai diffère selon que l’intéressé est admis à l’aide juridictionnelle ou non : s’il l’est, il s’agit du délai de droit commun de deux mois à compter de la notification de la décision pour contester la décision administrative ; s’il ne l’est pas, l’intéressé n’est pas admis à l’aide juridictionnelle : dans ce cas il s’agit d’un nouveau délai raisonnable d’un an.

3ème question 

S’agissant de la troisième question posée au Conseil d’État, celui-ci se réfère aux réponses apportées aux deux premières questions. 

commentaire

Rappelant le principe consacré par l’arrêt Czabaj selon lequel lorsque le délai de recours de deux mois prévus par l’article R. 421-1 du code de justice administrative n’est pas opposable en l’absence de mentions sur les voies et les délais de recours, le destinataire d’une décision ne peut la contester « au-delà d’un délai raisonnable fixé à un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance » ; le Conseil d’État précise que deux situations interrompent, par principe, ce délai d’un an à savoir d’une part l’exercice d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique et, d’autre part, l’introduction d’une demande d’aide juridictionnelle. 

Il vient donc étendre sa jurisprudence Czabaj aux recours en contestation de la validité d’un contrat administratif.  

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