Reconnaissance du caractère communicable des documents relatifs à une procédure de cession de biens du domaine privé de l’État

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Conseil d’État, 14 octobre 2021, n°437004

FAITS

Le 20 décembre 2016, dans le cadre d’un contentieux indemnitaire engagé contre l’État, une société a demandé à la Direction de l’Immobilier de l’État, la transmission de l’ensemble des documents relatifs à la procédure de publicité et de mise en concurrence mise en place par l’État en vue de la cession de lots ayant fait l’objet d’une procédure de cession au titre du projet écotaxe, abandonné depuis.

Par une décision en date du 1er mars 2017, la Directrice de l’Immobilier de l’État a refusé de communiquer à la société les documents demandés, estimant que leur transmission était susceptible de porter atteinte à l’instance juridictionnelle et à l’expertise judiciaire en cours.

Le requérant a alors formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris pour obtenir l’annulation de cette décision de refus.

Par un jugement rendu le 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif que les informations contenues dans les documents demandés auraient été de nature à révéler des éléments financiers et stratégiques, relatifs à l’activité concurrentielle des sociétés du secteur du télépéage, protégés par le secret industriel ou commercial.Le 23 décembre 2019, la société a alors saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à l’annulation du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande, et le règlement du litige au fond.

Question

Les documents relatifs à la cession d’un bien du domaine privé de l’État sont-ils couverts par le droit d’accès aux documents administratifs régi par l’article L311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration ?

décision

Le Conseil d’État annule le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 24 octobre 2019 ainsi que la décision du 1er mars 2017 par laquelle la Directrice de l’immobilier de l’État a refusé la transmission des documents demandés par la société requérante. Il enjoint également le ministre de l’Économie, des finances et de la relance de communiquer à la société les documents demandés autres que ceux qui ont déjà fait l’objet d’une diffusion publique, sous réserve de l’occultation des mentions révélant l’identité des cessionnaires.

Le juge considère en effet que la cession d’un bien appartenant au domaine privé de l’État doit être regardée comme un acte de gestion domaniale et que les actes relatifs à la gestion de ce domaine relèvent du régime des documents administratifs et sont donc couverts par le droit d’accès aux documents administratifs encadré par le Code des relations entre le public et l’administration (« CRPA »).

Le Conseil d’État estime ainsi que le tribunal administratif aurait dû rechercher si les informations contenues dans les documents demandés, et qui auraient été de nature à révéler des éléments financiers et stratégiques relatif à l’activité de la société, auraient pu faire l’objet d’une occultation ou d’une disjonction au sens de l’article L.311-6 du CRPA.

Commentaire

Le droit de toute personne à l’information, garanti au titre de l’article L.300-1 du CRPA, et qui s’applique également aux documents relatifs à la gestion du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales (art.L.300-3 CRPA), impose aux personnes publiques la communication des documents administratifs détenus, à toute personne qui en fait la demande.

Ce droit à la communication des documents administratifs ne s’exerce plus dès lors que ceux-ci ont fait l’objet d’une diffusion publique (art L.311-2 CRPA), ou si cette communication est susceptible de porter atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, qui comprend notamment le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles (art L.311-6 CRPA).

Dans ce cas, l’article L.311-7 du CRPA prévoit la possibilité, pour tout document administratif comportant des mentions non communicables en application des articles L.311-5 et L.311-6 du CRPA, d’occulter ou de disjoindre ces mentions portant atteinte à la protection de la vie privée ou au secret des affaires.

Dans cette affaire, le Conseil d’État fait une application concrète des dispositions du CRPA aux actes relatifs à la cession d’un bien du domaine privé de l’État. Il estime que, constituant des actes de gestion domanial, et relevant donc du régime des documents administratifs, ceux-ci sont couverts par le droit d’accès aux documents administratifs.

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