Opposabilité d’une SUP non annexée au PLU

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CE, 23 septembre 2021, n°432650

FAITS

Une société civile immobilière a fait réaliser, sans permis de construire, des travaux sur un immeuble consistant en l’aménagement d’un logement sous les combles de l’immeuble et une modification de la toiture à l’arrière du bâtiment.

Le maire de Bordeaux a refusé de délivrer à la société un permis de construire de régularisation, puis le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société tendant à l’annulation de cette dernière décision.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a ensuite annulé la décision attaquée et a enjoint à la commune de Bordeaux de délivrer à la société un certificat de permis construire tacite au motif que la servitude d’utilité publique (SUP) dite de « monument historique » n’était pas opposable car non annexée au PLU. C’est l’arrêt contre lequel la commune de Bordeaux se pourvoit en cassation.

QUESTION

Une servitude d’utilité publique non annexée au PLU peut-elle être opposable à une demande d’autorisation d’urbanisme ?

SOLUTION

Il résulte de la lecture combinée des articles L.151-43, R.151-51 et L.152-7 du code de l’urbanisme que seules les servitudes d’utilité publique qui sont annexées au plan local d’urbanisme ou publiées sur le portail national de l’urbanisme prévu à l’article L. 133-1 (disposition prévue depuis le 1er janvier 2020), et notamment celles relatives à la conservation du patrimoine, peuvent être opposées aux demandes d’autorisation d’occupation du sol.

Il est également prévu aux termes de l’article L.621-27 du code du patrimoine que « l’inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l’obligation de ne procéder à aucune modification de l’immeuble ou partie de l’immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l’autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu’ils se proposent de réaliser ».

L’article R.621-8 du même code prévoit que « la décision de classement de l’immeuble est notifiée par le préfet de région au propriétaire. Celui-ci est tenu d’en informer les affectataires ou occupants successifs ».

Enfin, il convient de rappeler que par exception à l’article R.424-1 du code de l’urbanisme, lorsque la demande de permis de construire porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, qui est de cinq mois, vaut décision implicite de rejet.

Le juge administratif précise, sur ces bases, que lorsqu’une servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols, telle la servitude sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, n’est pas annexée à un plan local d’urbanisme, elle n’est, en principe, pas opposable à une demande d’autorisation d’occupation des sols.

Toutefois, lorsque le propriétaire d’un immeuble classé ou inscrit aux monuments historiques s’est vu notifier cette inscription en application de l’article R. 621-8 du code du patrimoine, cette servitude lui est opposable alors même qu’elle ne serait pas annexée au plan local d’urbanisme et sa demande de permis de construire, de démolir ou d’aménager portant sur cet immeuble relève en conséquence, conformément à l’article R. 424-2 du code de l’urbanisme précité, de la procédure dérogatoire prévue pour ces demandes par les dispositions précitées de l’article L. 621-27 du code du patrimoine, d’où il résulte que le silence gardé par l’administration à l’issue du délai d’instruction fait naître une décision implicite de rejet de la demande.

COMMENTAIRE

Dans le cas d’espèce, ce classement au titre des monuments historiques avait bien été notifié au propriétaire de cet immeuble conformément à l’article R.621-8 du code du patrimoine mais que cette servitude n’avait pas été annexée au plan local d’urbanisme de Bordeaux Métropole.

Les dispositions de l’article R.424-1 ne trouvaient donc pas à s’appliquer et un refus tacite était bien né à l’issue du délai de cinq mois en application de l’article R.424-2 du même code. Le Conseil d’État a donc ainsi estimé que la cour administrative d’appel de Bordeaux a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

En l’absence d’annexion au PLU, le critère déterminant de l’opposabilité de la servitude d’utilité publique relative aux monuments historiques est bien donc la notification de la décision de classement ou d’inscription au titre de l’article L.621-7 et R.621-8 du code du patrimoine.  

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