Mémoire de réclamation: ne pas oublier d’en transmettre une copie au maître d’œuvre!

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La communication au maître d’œuvre d’une copie d’un mémoire en réclamation introduit en application de l’article 50.1 du CCAG Travaux constitue une formalité substantielle privant d’effet le mémoire en réclamation adressé au maître d’ouvrage.

Les faits

Le Grand port maritime de Marseille a conclu avec la société Can, le 31 décembre 2013, un marché public de travaux. 

L’ordre de service fixant au 28 juillet 2014 le démarrage des travaux de la première tranche a été notifié le 21 juillet 2014. Par un courrier du 31 juillet 2014, la société a demandé la résiliation du marché pour ordre de service tardif en application de l’article 46.2.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux de 2009 (CCAG Travaux), qui n’impose pas l’envoi d’une copie de la demande d’indemnisation au maître d’œuvre. 

Le Grand port maritime ayant rejeté sa demande, la société lui a adressé, le 26 février 2015, un mémoire contestant ce refus et réclamant l’indemnisation de son préjudice, en application de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux, sans communiquer copie de ce mémoire au maître d’œuvre. Le Grand port maritime a, par une décision du 5 mars 2015, résilié le marché aux torts de cette entreprise. La société a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à ce qu’il prononce la résiliation du marché pour ordre de service tardif et condamne le Grand port maritime à lui verser une indemnité.

Par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné le Grand port maritime à indemniser la société en compensation des frais engagés pour assurer l’exécution du marché. 

Par l’arrêt attaqué devant le Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel principal du Grand port maritime et a fait droit partiellement à l’appel incident de la société, en accroissant son indemnité.

La solution

Le Conseil d’État juge que les stipulations de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux ne sauraient avoir pour effet de dispenser le titulaire de respecter la formalité prévue par les stipulations de l’article 50.1.1 du même CCAG lorsqu’il transmet au maître d’ouvrage une réclamation en application de ces dernières stipulations, quand bien même il aurait préalablement demandé la résiliation du marché pour ordre de service tardif en application de l’article 46.2.1 du CCAG. 

Plus précisément, la circonstance que la demande de résiliation soit faite par le titulaire du marché en application de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux ne le dispense pas d’adresser au maître d’œuvre copie du mémoire de réclamation qu’il introduit auprès du maître d’ouvrage en application 50.1.1 du même CCAG. 

Dès lors, le Conseil d’État considère que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir opposée par le Grand port maritime de Marseille tirée de ce que la société Can n’aurait pas adressé copie de sa réclamation au maître d’œuvre, conformément aux stipulations de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009, au motif que la méconnaissance de cette formalité ne saurait, dans les circonstances très particulières de l’espèce, être regardée comme substantielle et de nature, en conséquence, à affecter la recevabilité de sa réclamation. 

Le Conseil d’État fait droit à la demande d’annulation de l’arrêt introduite par le Grand port maritime de Marseille.

Portée de la décision

Si certaines juridictions du fond avaient eu la tentation de considérer que la transmission d’une copie du mémoire en réclamation au maître d’œuvre ne constitue pas une garantie dont pourrait se voir priver le maître d’ouvrage et que cette copie ne constitue pas une formalité substantielle qui priverait d’effet le mémoire en réclamation adressé au maître d’ouvrage (TA Lille 8 février 2016, Société Goudalle Maçonnerie, req. n°1306031), le Conseil d’État rappelle que l’article 50.1.1 du CCAG Travaux, qui prévoit qu’en cas de différend entre le titulaire du marché public et le maître d’œuvre le titulaire doit adresser une copie de son mémoire en réclamation au maître d’œuvre, doit être scrupuleusement respecté. 

La communication au maître d’œuvre d’une copie du mémoire en réclamation est une formalité substantielle, qu’aucune circonstance particulière ne permet au titulaire d’éluder.

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